Une politique ne se décrète pas, elle se dote des outils concrets et efficaces pour agir, démonstration avec le projet des verts.
La rédaction de Terraéco retient trois propositions dans le projet 2012 d'Europe Ecologie les Verts. Trois idées qui méritent le débat: créer un million d'emplois verts, passer aux 32 heures de travail hebdomadaire, encadrer les loyers; trois idées qui permettent de pointer les faiblesses de ce projet, sur lesquels EELV doit travailler.
Les chiffres d'un million d'emplois ou de 600 000 emplois verts sont repris de manière fréquent par différents commentateurs. Sont-ils réalistes? Il est bien difficile de le dire. Car, en réalité, la montagne pourrait bien accoucher d'une souris. Sans politique incitative et volontaire forte de la part de l'Etat et des collectivités locales, on ne verra que quelques milliers d'emplois se créer. On verra surtout les déceptions naître : depuis 20 ans, l'enseignement supérieur a créé de nombreuses formations vers les métiers de l'écologie dont les diplômés sont souvent obligés de se reconvertir.
Par contre, si la "Révolution verte" se met en marche, atteint tous les secteurs de l'économie et de nos modes de vie, alors on verra le développement des professions dans ce secteur. L'emploi vert ne se décrète pas, il réclame des politiques fiscales incitatives qui poussent au changement dans les entreprises, les ménages et les administrations. Pourquoi évoluer si un changement de comportement me réclame des efforts et va me créer des contraintes alors que mon ancienne conduite ne connaît aucune entrave? Si les politiques publiques n'inversent pas cette logique, seuls les plus convaincus changeront et l'économie verte restera un épiphénomène. Le système fiscal des contributions incitatives est une proposition pour enclencher ce processus positif au service de la création d'emplois.
Passer aux 32 heures de travail hebdomadaire relève de la même logique. Les Verts ne semblent pas avoir tenu compte des erreurs du Parti Socialiste dans la mise en place des 35 heures. L'avoir imposé par la loi fut une erreur qui est toujours reproché à la Gauche. Cette erreur fondamentale n'a pas permis à l'opinion publique d'en percevoir les avantages.
Les 32 heures, eux aussi, ne se décrètent pas. Il faut une stratégie construite qui, progressivement, installe dans la société une réforme aussi importante, bouleversant l'ensemble de l'organisation des salariés et des entreprises. Il faut utiliser une démarche qui n'impose pas mais laisse le choix aux acteurs, une démarche qui n'augmente pas le coût du travail, une méthode qui permette un réel partage du travail et la création d'emplois. Le partage du temps du travail est une utopie réalisable si on se dote d'une méthode efficace comme je le propose.
Encadrer les loyers est une mesure d'un autre ordre. Elle relève de la croyance, très forte en France, en l'effet magique de la loi et des réglementations. Or, à l'heure d'internet, les réglementations, aisément contournables, montrent chaque jour leur inefficacité. Il y a d'ailleurs une contradiction à critique l'autoritarisme inefficace de la loi TEPA et à vouloir imposer, dans un autre domaine, la même démarche.
Les propriétaires bailleurs ne peuvent pas être considérés comme les seuls responsables de la crise du logement que nous vivons en France. Chacun sait que le problème fondamental n'est pas la rapacité des logeurs mais plutôt le prix exorbitant de l'immobilier. Le bailleur cherche simplement à répercuter sur les loyers le coût élevé de l'achat de l'appartement qu'il loue.
Le problème est donc l'offre insuffisante de logements : il manque en France au moins 1 million de logements. Il faut libérer du foncier pour permettre la construction de ces appartements. Et pour cela, il existe deux stratégies :
-étendre les villes vers la campagne, continuer la péri-urbanisation avec tous ces effets négatifs liés aux migrations pendulaires et aux pertes de temps dans les transports.
-densifier l'urbain existant en changeant les coefficients d'occupation des sols, en autorisant le réhaussement des immeubles et les surélévations.
Même si il ne faut pas opposer ces deux stratégies -qui se révèlent plus complémentaires qu'opposées- je préfère la seconde plus écologique, car elle évite l'artificialisation des terres. Elle présente aussi l'avantage de permettre de financer la nécessaire rénovation thermique des bâtiments anciens comme je l'ai expliqué dans d'autres articles.
En conclusion, le projet d'Europe Ecologie Les Verts est représentatif des projets politiques de tous les partis : il reste bien superficiel sur les modalités pratiques qui vont permettre sa mise en place, puis sa réussite. Or, la politique est -comme la guerre- tout un art d'exécution. L'intention reste bien fragile si les modalités concrètes qui vont permettent sa réussite n'ont été prévu que de manière approximative. Les Verts ne sont donc pas plus rêveurs que l'UMP ou le Parti Socialiste: ils sont tous peu crédibles avec leur catalogue d'intentions vagues qu'ils veulent faire passer pour du volontarisme.