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Twitter : @Rcoutouly

Il faut demander plus à l'impôt

et moins aux contribuables

 

Alphonse Allais

 

Outil fiscal

Les contributions incitatives sont des micro-taxes payées sur les activités polluantes. L'argent récolté permet aux plus démunies d'investir dans les transitions écologiques et énergétiques. 

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Un résumé de la pensée de l'auteur sur la crise écologique 
7 septembre 2010 2 07 /09 /septembre /2010 14:44

 

 

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Au mois de juillet, l'assemblée nationale a adoptée un amendement qui modifie la nouvelle taxe sur l'éolien offshore. Celle-ci sera redistribuée aux communes littorales, d'où elles sont visibles, qui toucheront 50% de la taxe. Les pêcheurs, par l'intermédiaire de leurs organisations professionnelles récupéreront 35% et les 15% restant serviront à financer des projets de développement durable sur la façade maritime correspondante.

Dans un site comme fiscalité environnementale consacré essentiellement à la taxation écologique, ces choix du législateur ne peuvent que nous interroger: s'agit-il de décisions judicieuses?

Disons-le immédiatement : il s'agit, à notre avis, d'une fiscalité environnementale de mauvaise qualité, construite selon des principes dépassés. Explications. 

 

Certes, c'est un progrès de mettre en place des contributions fiscales redistribuées au service de la collectivité. Dans cette période de disette, où les sources d'investissement public manquent, voilà qui est appréciable. Mais l'organisation choisie est fortement discutable. 

Elle est contestable d'abord parce qu'on a choisie de taxer une ressource, l'éolien, qui présente l'incontestable vertu d'être renouvelable. Au lieu de favoriser cela, on gêne son développement au nom de deux principes.

L'éolien provoque des nuisances visuelles : d'accord, mais toutes les sources énergétiques provoquent des pollutions et des nuisances. Pourquoi alors, ne sont-elles pas taxées à leur tour, en proportion des dégâts qu'elles provoquent? Parce que l'éolien est nouveau. On crée des taxes nouvelles pour les industries nouvelles, mais on ne va pas pénaliser les anciennes énergies plus polluantes car on risque de remettre en cause leur modèle économique.

L'éolien offshore appartient à des groupes industriels étrangers   pouvant payer. D'accord, mais pourquoi ne pas favoriser alors le petit éolien, source d'activités pour de nombreuses PME, créateurs d'emplois nombreux?

Cette organisation fiscale verte a d'autres graves défauts. D'abord, on ne sait trop guère à quoi sert l'argent, redistribué à ceux qui seraient "victimes" de l'installation de l'éolien offshore (les communes qui subiraient la vision de ces éoliennes). Cela n'est pas cohérent et lisible, il s'agit seulement d'une politique compensatrice qui sert  à faire passer leur  installation, une forme de clientélisme institué en somme.

Il y a plus grave : la redistribution aux organisations collectives des pêcheurs. c'est la même logique : on offre une compensation aux "victimes" des éoliennes. Et, finalement, on renforce cette logique d'activités antagonistes et en concurrence sur les territoires maritimes

Tout cela ne constitue pas une politique volontariste en faveur des énergies renouvelables mais ressemble fort à la simple gestion de la paix sociale.

On aboutit à un paradoxe : on taxe une activité économique "écologique", "bonne pour la planète", l'éolien, au profit d'une autre activité destructrice, provocant des dégâts, la pêche et particulièrement la pêche au chalut, "victime de la plantation des éoliennes" sur les champs marins qu'elle  laboure et détruit.

On pourra trouver ma critique sévère, mais si elle l'est, c'est qu'il y avait autre chose à faire, de plus cohérent à mon avis, et qui chercherait à rendre complémentaire les différentes activités dans le domaine maritime. 

Voilà ma proposition:

J'ai expliqué dans d'autres articles, ce que devrait être, à mon avis, la coexistence entre pêche et autre activités en mer : donner des concessions aux pêcheurs. Ils géreraient ces concessions et seraient les seuls à pouvoir y pêcher. Ces concessions seraient partagées avec les producteurs éoliens (ou/et hydroliens). On serait alors dans une logique de coexistence où chacun serait solidaire et non dans une logique de concurrence pour les espaces. En effet, les pêcheurs ont intérêt à développer des récifs artificiels qui servent de nurseries et d'abris pour les poissons. L'installation des éoliennes peut être l'occasion d'y adosser ces récifs. Le partage de l'espace sera bénéfique pour les pêcheurs comme pour les entreprises gérant la production électrique en mer.

Dès lors qu'on sort d'une logique de concurrence et que l'on adopte une logique de complémentarité, il faut revoir la fiscalité verte décrite.

L'éolien doit être favorisé et non taxé. On pourrait aider à son développement en taxant l'électricité issue de ressources non renouvelables (gaz, uranium), cette taxation servant exclusivement aux investissements éoliens.

La pêche ne peut être aidée que si elle est durable (ce qui peut être le cas si les pêcheurs gèrent ces concessions avec des récifs artificiels). On pourrait donc taxer les produits de la pêche en haute mer et utiliser cet argent pour développer les récifs artificiels.

On retrouve ici un des principes de base des contributions incitatives : une taxe verte, dans un secteur particulier, sert à financer les investissements permettant, dans cette même catégorie, de développer des activités durables.




 


 

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10 juillet 2010 6 10 /07 /juillet /2010 17:39

 

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Fin du débat entre Jacques Weber et moi à propos de la fiscalité environnementale

Rodrigue Coutouly:"Croire que la taxation écologique va entraîner l'abolition des taxes sur le travail : cela "suppose le basculement des régulations, le remplacement de tout ou partie des taxes et charges pesant sur les salaires et sur l'outil de travail". 

Cette vision est erronée et naïve: en plein débat sur les retraites, cela supposerait, par exemple, que l'on finance les futures retraites par une taxation sur l'essence ou la pêche. Cette organisation de la confusion des genres entraînerait tellement d'effets pervers qu'il n'est pas difficile de comprendre que cette idée n'a aucun avenir : elle supposerait que nos retraites dépendent ... de la consommation de pétrole !

Il faut, au contraire, revendiquer l'idée que la taxation écologique est un nouvel étage de politiques publiques, qui le rend certes, plus complexe. Mais mélanger problèmes écologiques et sociaux serait passer du complexe au compliqué. Il faut éviter le "basculement des régulations", accepter l'idée que la régulation environnementale se suffit à elle-même, possède sa propre logique qu'il faut intégrer."

Jacques Weber:  "Vous dites que l'abolition des taxes sur le travail est "naïve et erronée". Je comprends et admets la critique d'un raisonnement, mais m'étonne de tels qualificatifs. Je ne crois pas avancer à coups d'arguments, mais de raisonnement, et sauf à ce que vous me disiez où le raisonnement est faux, je le maintiendrai. 

"croire que  la taxation écologique va entraîner l'abolition des taxes sur le travail" est erroné et naïf . Je ne "crois" pas. Il me semble que c'est vous, ici, qui avez une approche quasi religieuse des liens entre travail, sécurité sociale et retraites. Et l'argument d'effet pervers n'est guère acceptable, quand il n'est pas explicité. En quoi cela vous gênerait-il que votre retraite soit liée, non à telle ou telle consommation de ressource comme vous le dites ("pétrole" "pêche") mais à l'ensemble des consommations de nature ? Il se trouve que le travail, en situation mondialisée des économies,  tend à jouer de l'accordéon, ce qui n'est pas le cas des consommations de nature : le financement par les consommations de nature aurait une stabilité plus grande que par le travail. Elle ne restreindrait pas l'assujetissement aux seuls travailleurs mais bien à l'ensemble des activités

Vous dites vous mêmes que la "naïveté" tient à ce que le travail finance la sécurité sociale et les retraites. Pensez vous vraiment que l'année où je dois prendre ma retraite, et après 40 ans de métier, cela m'ait échappé ? Je pose seulement la question de savoir si il est inéluctable que travail, sécurité sociale et retraite soient indissolublement liés. Oui pour vous, non nécessairement pour moi. La sécurisation du financement me semble être la question pertinente, et non celle de son lien avec le revenu du travail. 

Plus important encore, la déconnection du travail et du financement de la sécurité sociale et des retraites, ramènerait les salaires à la productivité du travail , qui est en France l'une des - sinon la- meilleures au monde. Elle rendrait le travail bien moins cher mais les autres facteurs de production, notamment matières premières et énergie, bien plus coûteux. Elle encouragerait donc le retour de l'emploi. 

Bien sûr il est impossible de substituer d'un jour à l'autre les charges sur le travail par des taxes sur les consommations de nature. Mais en faire l'hypothèse est - il naïf ou erroné ? Ne confondez vous pas raisonnement aux extrêmes et faisabilité dans l'instant , état d'arrivée et transition ? "


Rodrigue Coutouly: "La majorité des observateurs qui s'intéressent à cette question et défendent la mise en place d'une fiscalité environnementale vivent dans leur époque. Or, l'époque est absolument rétive à l'impôt, conçu comme une privation de liberté et une contrainte.  De plus, on craint toujours que une taxation diminue la compétitivité d'une économie.

La seule façon pour ces promoteurs d'une fiscalité verte d'être conformes à leur époque semble être de proposer des taxes substitutives, qui en remplaceraient d'autres.

Ce choix d'une fiscalité substitutive hypothéque, à mon avis, tout espoir de voir émerger une fiscalité environnementale efficace. En effet, substituer suppose de reconsidérer le système fiscal dans son ensemble et de trouver un nouvel équilibre à la fois financier et social, un nouveau contrat social en somme, ce qui semble bien difficile.

En effet, je suis d'accord avec vous : "La sécurisation du financement me semble être la question pertinente." Or, cette sécurisation peut-elle être assurée si l'on taxe les consommations de nature? Comment vous le dites si bien, tout dépend quand on se situe dans le processus : dans une période transitoire ou dans une situation stabilisée d'économie décarbonée, auquel nous aspirons tous les deux?

Prenons la phase transitoire, la plus immédiate. L'instauration d'un lien entre les consommations de nature et les recettes permettant de financer le chômage, les retraites et la sécurité sociale va créer un lien entre elles, une dépendance de la seconde envers la première. Il faudra donc bien maintenir ces consommations de nature si on veut financer notre système sociale. La sécurisation de ce financement ne sera donc en fait jamais assurée.

Nos retraites dépendrait alors de la continuation de notre consommation de pétrole et autres produits issus de la nature. On mesure ainsi l'effet pervers. On le connaît déjà pour les taxes sur les cigarettes ou, de manière plus dangereuse pour la TIPP.

Cette (fausse) taxe carbone est devenue si importante pour le budget de l'Etat que celui-ci n'a aucun intérêt à diminuer la consommation d'essence !

D'autre part, ce choix déconnecterait, à terme,  les charges sociales du principe de solidarité nationale, tout le pacte sur lequel se fonde le ciment européen serait remis en cause.

C'est pourquoi je suis partisan d'une étroite spécialisation des contributions environnementales : une taxe sur l'essence doit servir à financer une organisation du transport décarbonée, limitant la voiture individuelle. Une contribution sur les sur-consommations en énergie des logements doit voir son produit utilisé pour investir dans l'isolation des logements. 

Ce choix me semble plus cohérent, simple à mettre en place et plus facilement régulable qu'un système complexe mêlant cotisations sociales et taxes écologiques."

 

 

Pour aller plus loin:

La fiscalité verte est-elle compatible avec les règles européenne?

Utiliser l'éco-fiscalité pour financer les charges sociales? Une solution?


 

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5 juillet 2010 1 05 /07 /juillet /2010 21:14

 

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Suite du débat entre Jacques Weber et moi à propos de la fiscalité environnementale, sur le thème de l'importance de la taxation.


 


Rodrigue Coutouly-Penser que, pour être efficace, une taxation écologique doit être significative et donc élevée. L'instauration d'une taxe "significative" a des effets pervers démotivants. Elle entraîne des résistances importantes dans l'opinion publique et auprès des entreprises, quoi qu'en dise Jacques Weber, car on craint la perte de "compétitivité" et le jugement d'un électorat qui refuserait l'impôt par principe.

Il faut, au contraire, instaurer des contributions très petites, minces, symboliques. Mais à la condition de respecter deux principes clés des contributions incitatives:

-Leur augmentation est prévue, planifiée, connue à l'avance. Cette prévision, déjà imaginé par les promoteurs de la taxe carbone, permet aux acteurs économiques et aux consommateurs, d'anticiper sur leurs achats.

-les recettes des contributions incitatives servent intégralement à investir dans l'économie verte, dans la catégorie, le secteur dans lesquelles elles ont été prélevé. 

Jacques Weber:  "penser que pour être efficace une taxation écologique doit être significative et donc élevée" serait aussi une "croyance". Le penser à régulation globale inchangée, oui. En confondant état de départ état d'arrivée, oui. Mais en posant la question "existe-t-l une configuration de l'économie dans laquelle la richesse puisse se créer sur la maintenance ou l'amélioration des écosystèmes", la réponse est, j'en fais l'hypothèse, celle que je propose (avec d'autres à travers le monde). Que la transition d'un état à un autre doive se faire de façon très progressive: bien sûr. Cela étant la taxe carbone en Suède est aujourd'hui à 109 Euro, sans que les Suédois la rejettent. Mais en 1988, une loi suédoise a précisé que pour qu'une taxe écologique soit discutable au parlement la preuve devra être donnée que une ou plusieurs taxes d'un rapport au moins équivalent à celui attendu de la nouvelle taxe auront été abolies: dès lors, il était clair pour les Suédois qu'il s'agissait bien de taxes SUBSTITUTIVES et incitatives. 

Enfin, peut-être, du point de vue logique, le plus important. Dans mon esprit, il s'agit de raisonner A COÛT DE PRODUCTION INCHANGÉ. 

Il ne s'agit pas, par la fiscalité, d'alourdir les coûts mais de les redistribuer autrement. La compétitivité, dans son ensemble, ne devant pas s'en trouver affectée. 


Rodrigue Coutouly: Je ne parlerai pas, ici, de  l'idée de taxes substitutives que je trouve discutable et que j'aborderai dans un troisième article.

Nous sommes d'accord, comme la majorité des chercheurs et intervenants réfléchissants sur cette question : la fiscalité environnementale doit s'installer progressivement pour permettre aux acteurs (entreprises et consommateurs) de s'y adapter et d'anticiper. Le débat porte sur la forme de la courbe de progression de cette fiscalité.

Les promoteurs de la défunte contribution climat ont défendu l'idée qu'elle devait être significative d'emblée et progresser ensuite. On a vu ce qu'elle est devenu: elle a significativement disparu !

Je préfère, pour ma part, une courbe qui part pratiquement du point O dans l'axe des ordonnées mais dont le plan de progression soit immédiatement lisible et connu. L'avantage est de faciliter son acceptabilité par l'opinion. Même si on peut se douter que cela ne suffira pas. 

On compare souvent notre regrettée contribution climat avec la taxe carbone suédoise. Cela me semble en grande partie un raisonnement anachronique, car cette taxe a été mise en place il y a deux  décennies dans un pays où la conscience environnementale  a une autre dimension. 


"Il ne s'agit pas, par la fiscalité, d'alourdir les coûts mais de les redistribuer autrement. La compétitivité, dans son ensemble, ne devant pas s'en trouver affectée." Je reprend vos termes car le choix d'une stratégie fiscale efficiente dépend en grande partie de sa capacité à modifier les comportements et les modalités d'organisation de nos sociétés.

Or, cela serait une erreur de croire qu'une "bonne" fiscalité suffirait à changer nos sociétés. On le sait, la green-economy suppose des investissements énormes. Cela n'est pas un hasard si les chinois progressent trés rapidement dans ce domaine: ils réinvestissement une bonne partie de leurs liquidités dans  ce secteur.

C'est pourquoi je défend l'idée que la fiscalité verte ne doit avoir qu'un objectif : permettre d'investir dans ce secteur. A quoi bon, en effet, taxer l'essence du travailleur pendulaire péri-urbain si il ne dispose pas de modes de déplacement alternatif? Or, les temps ne sont guère propices aux investissements publics dans les transports collectifs. Une fiscalité coercitive aurait dans ce cas des effets désastreux sans rien changer aux comportements des différents acteurs sociaux. 

On pourrait procéder au même raisonnement dans d'autres secteurs : le logement en est un autre bon exemple. Les modifications réglementaires engendrées par le Grenelle n'ont d'effets significatives que sur les logements neufs. Dans l'ancien, le crédit d'impôts ayant des limites, on se retrouve bien en peine de définir une politique fiscale efficace, si elle ne se révèle pas incitative.

Or, il  n'y a qu'un seul moyen qu'elle le soit : que le produit des taxes environnementales prélevé sur le logement soit utilisé pour investir dans l'isolation et le chauffage de l'habitat existant

Ainsi conçu, la fiscalité verte est un outil de transfert de richesse entre l'ancienne économie carbonée et la nouvelle économie décarbonée. Le seul moyen de permettre l'émergence de cette dernière dans nos sociétés occidentales désargentées.

 

 

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4 juillet 2010 7 04 /07 /juillet /2010 10:59

 

 

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Dans le cadre des échanges épistolaires que j'ai eu avec Jacques Weber, je regroupe ici notre dialogue autour de la dimension internationale de la fiscalité verte.

1-la fiscalité environnementale doit-elle avoir une dimension internationale?

Rodrigue Coutouly-Croire que la fiscalité environnementale doit avoir une dimension internationale, voir mondiale. Jacques Weber propose par exemple, la création d'une Organisation mondiale de l'environnement qui "pourrait, par exemple, mettre en place une taxe sur l'énergie avec redistribution mondiale en raison inverse de la consommation". Si l'idée est séduisante, elle est malheureusement inapplicable. Dans le vaste jeu concurrenciel de la mondialisation, de nombreux pays auront beau jeu de refuser de la mettre en place, ruinant tout espoir de généralisation.

Il faut, au contraire,  commencer localement, installer des taxations à l'échelle de petites unités politiques (commune, région), mais des contributions incitatives qui apporte une plus-value à ces unités, engendrant la multiplication de ces contributions.

Jacques Weber:  "Croire que la fiscalité environnementale doit avoir une dimension internationale, voir mondiale. Si l'idée est séduisante elle est inapplicable". Oui, à régulation inchangée. Ce n'est pas moi, mais Lula, Sarkozy et d'autres chefs d'Etat qui plaident pour la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, regroupant FAO, PNUD, PNUE, qui aurait pouvoir de mise en oeuvre des décisions de ses membres, et exercerait un contrôle de conformité environnementale sur l'ensemble des programmes des Nations Unies et sur les décisions de l'OMC. SI une telle OME est crée, vos objections tombent. Et quoi qu'il en soit, il n'y a là nulle croyance, tout au plus des hypothèses fortes. Je n'ai jamais "proposé" la création de cette OME, mais prends acte qu'elle l'est par un nombre non négligeable de chefs d'Etat. 


Rodrigue Coutouly: "Si une telle OME est crée, vos objections tombent". Cette phrase, clé dans votre raisonnement, mérite que l'on s'y arrête. Quand on s'intéresse à l'histoire des accords multilatéraux, on voit bien la fragilité d'une telle possibilité. S.D.N, O.N.U, Union Européenne, G7 ou G20, Copenhague, l'Histoire regorgent d'échecs ou de situations d'impuissance. Parier sur l'éventualité d'un accord me semble bien hasardeux.

Non que le multilatéralisme n'ait pas montré parfois son efficacité, sans penser que l'on puisse sans passer, il est nécessaire de construire des dynamiques positives, sans attendre un hypothétique consensus.

Je pense, pour ma part, que l'international présente tout son intérêt soit pour travailler sur des principes ou des objectifs communs (Kyoto est un bon exemple dans le domaine qui nous occupe) soit pour déréglementariser, dérigidifier les rapports entre Etats. Cela n'est pas vraiment ce que nous cherchons à faire dans le domaine environnemental.

Je crois, donc, que les dynamiques locales, permettant aux acteurs d'agir positivement, facilitant les investissements verts, contraignants les comportements non respectueux de l'environnement et de la biodiversité, sont les seuls permettant de changer significativement les choses.


 

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21 juin 2010 1 21 /06 /juin /2010 12:29
 
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Sur Telos, Marc Clément est l'auteur d'un passionnant article intitulé la fiscalité verte est-elle euro-compatible?
Cet article pose clairement la question du lien entre fiscalité environnementale et droit communautaire en examinant la jurisprudence de la Cour de Justice Europénne au regard des différents conflits juridiques qui s'y sont succédés. Il semble utile de voir comment les outils fiscaux verts peuvent y répondre. On l'examinera ici simplement auprès de deux solutions proposées : la taxe carbone et les contributions incitatives.

Marc Clément distingue trois conditions importantes pour vérifier cette compatibilité.
1-D'abord, il est nécessaire de  s'entendre sur l'effet bénéfique pour l'environnement du produit concerné :   "la première étape est donc de trouver des critères incontestables en matière d'environnement". Cela nécessite des critères objectivement mesurables. Le CO2 semble avoir cette vertu et c'est pour cela que les promoteurs de la taxe carbone l'ont utilisé. Mais ce critère a ses limites : il ne tient pas compte par exemple de la production de déchets ou de la pollution des sols générés par un produit.
La comparaison tourne donc à l'avantage des contributions incitatives. Etroitement spécialisées, établies en étroite concertation avec la communauté d'intérêts qui l'utilise, elle sera construite de manière précise autour des différents critères objectifs qui correspondent aux problèmes environnementaux posés dans le secteur où elle est établie. La taxe carbone n'a pas ses vertus : séduisante par sa simplicité, elle n'aborde qu'un aspect (certes essentielle) des problèmes. Il n'en reste pas moins que la mesure du carbone est un critère objectif de qualité.

2-Deuxième condition : le respect du libre échange intracommunautaire, la cour de justice vérifiant que une nouvelle réglementation fiscale ne constitue pas une entrave déguisé à la liberté du commerce. Il y a ici matière à interrogation. En effet, la logique économique du libre-échange peut entrer en contradiction avec la logique écologique de la préservation des ressources. C'est le cas quand la fiscalité favorise la production locale au motif que celles-ci  est moins polluante en réduisant les transports.
Il est intéressant de noter que la jurisprudence communautaire tient compte de l'impact environnemental plus faible des productions locales. Elle ne donne donc pas forcément raison au principe de libre-échange. Par contre, elle demande  "d'accorder aux opérateurs économiques suffisamment de temps pour s'adapter à un nouveau système".
La taxe carbone comme les contributions incitatives ont justement tenu compte de ce principe en mettant en place cette progressivité.

3-Troisième condition: vérifier que l'on ne se trouve pas déjà dans un domaine où le droit communautaire est intervenu. 
Cette condition doit se comprendre dans le contexte du partage des compétences entre les Etats membres et l'union. Or, l'environnement est une compétence partagée entre ces deux niveaux, les décisions en ce domaine relevant plutôt du principe de proportionnalité dégressive plutôt que du principe de subsidiarité.
Dans ce contexte, la taxe carbone n'a guère de chance d'aboutir sans une cohérence communautaire qui permette de dépasser les problèmes de concurrence.
Ce problème semble moins importants avec les contributions incitatives pour deux raisons:
-construite de manière personnalisée pour un problème donné, elles tiendront compte du droit communautaire pour le compléter si nécessaire ou pour le suppléer si il s'agit d'un domaine qu'il ne couvre pas.
-le risque de créer un différentiel fiscal désavantageant les entreprises soumises à une taxe verte est limitée par la mise à disposition des recettes générées pour investir dans des modes d'action écologiquement responsables. 

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20 juin 2010 7 20 /06 /juin /2010 17:38

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Jacques Weber, m'a envoyé le message suivant, après avoir lu mon article intitulé  Jacques Weber favorable à la fiscalité environnementale. Je le publie avec son accord. Ces arguments sont d'une grande richesse et feront avancer ma réflexion sur la question. J'aurai l'occasion d'y revenir:

 

Merci pour cet article sympathique sur "fiscalité-environement" ! 

Quelques remarques 

- Je ne suis pas directeur du Cirad, lequel est Gérard Matheron, mais ne suis que "directeur de recherches", bref, chercheur  de cet institut. et, accessoirement, enseignant à l'Ehess et  Paris 6. 

- Il y a entre nous de sérieuses incompréhensions

1. Je n'ai pas, en économie, de "croyance" : seulement des hypothèses, des déductions. et des scenarios.  
Je ne raisonne pas dans le cadre d'un "comment faire mieux de la même chose", mais je raisonne aux extrêmes, pour, ensuite, voir ce  qui est possible ou non. 

3.- mon problème n'est pas la fiscalité, mais la crise que je considère être une crise écologique à symptômes financiers et à coût social. 
Constat: dans le monde tel qu'il est organisé, il n'est de création de richesse que par dégradation des écosystèmes 
Question: peut-on penser une organisation telle que la richesse découle de la maintenance ou de l'amélioration des écosystèmes ? 
Réponse : oui , SI 
A.- Si on remplace tout ce que l'on peut des taxes pesant sur le travail et l'outil de travail par des charges pesant sur TOUTES les "consommations de nature"
B.- Si on décide de découpler le financement de la sécurité sociale du travail , en reportant aussi ce coût sur toutes les consommations de nature (j'y reviendrai, ayant lu votre point de vue)
Alors, mais seulement alors, il reste possible de dégrader les milieux, mais à un coût prohibtif. Il devient par contre très profitable de maintenir ou d'améliorer l'état des écosystèmes

Ainsi, la fiscalité n'est envisagée que dans l'hypothèse de l'acceptation d'un "basculement" complet des modes de régulation. 
La fiscalité envisagée ici est écologique, SUBSTITUTIVE et non additionnelle, INCITATIVE et non punitive. Elle permet d'orienter les comportements vers ce qui est considéré comme l'intérêt général. Et ce, en raisonnant à coût de production inchangé. 

4. Vous dites que l'abolition des taxes sur le travail est "naïve et erronée". Je comprends et admets la critique d'un raisonnement, mais m'étonne de tels qualificatifs. Je ne crois pas avancer à coups d'arguments, mais de raisonnement, et sauf à ce que vous me disiez où le raisonnement est faux, je le maintiendrai. 
"croire que  la taxation écologique va entraîner l'abolition des taxes sur le travail" est erroné et naïf . Je ne "crois" pas. Il me semble que c'est vous, ici, qui avez une approche quasi religieuse des liens entre travail, sécurité sociale et retraites. Et l'argument d'effet pervers n'est guère acceptable, quand il n'est pas explicité. En quoi cela vous gênerait-il que votre retraite soit liée, non à telle ou telle consommation de ressource comme vous le dites ("pétrole" "pêche") mais à l'ensemble des consommations de nature ? Il se trouve que le travail, en situation mondialisée des économies,  tend à jouer de l'accordéon, ce qui n'est pas le cas des consommations de nature : le financement par les consommations de nature aurait une stabilité plus grande que par le travail. Elle ne restreindrait pas l'assujetissement aux seuls travailleurs mais bien à l'ensemble des activités
Vous dites vous mêmes que la "naïveté" tient à ce que le travail finance la sécurité sociale et les retraites. Pensez vous vraiment que l'année où je dois prendre ma retraite, et après 40 ans de métier, cela m'ait échappé ? Je pose seulement la question de savoir si il est inéluctable que travail, sécurité sociale et retraite soient indissolublement liés. Oui pour vous, non nécessairement pour moi. La sécurisation du financement me semble être la question pertinente, et non celle de son lien avec le revenu du travail. 
Plus important encore, la déconnection du travail et du financement de la sécurité sociale et des retraites, ramènerait les salaires à la productivité du travail , qui est en France l'une des - sinon la- meilleures au monde. Elle rendrait le travail bien moins cher mais les autres facteurs de production, notamment matières premières et énergie, bien plus coûteux. Elle encouragerait donc le retour de l'emploi. 
Bien sûr il est impossible de substituer d'un jour à l'autre les charges sur le travail par des taxes sur les consommations de nature. Mais en faire l'hypothèse est - il naïf ou erroné ? Ne confondez vous pas raisonnement aux extrêmes et faisabilité dans l'instant , état d'arrivée et transition ? 
 

6 "Croire que la fiscalité environnementale doit avoir une dimension internationale, voir mondiale. Si l'idée est séduisante elle est inapplicable". Oui, à régulation inchangée. Ce n'est pas moi, mais Lula, Sarkozy et d'autres chefs d'Etat qui plaident pour la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, regroupant FAO, PNUD, PNUE, qui aurait pouvoir de mise en oeuvre des décisions de ses membres, et exercerait un contrôle de conformité environnementale sur l'ensemble des programmes des Nations Unies et sur les décisions de l'OMC. SI une telle OME est crée, vos objections tombent. Et quoi qu'il en soit, il n'y a là nulle croyance, tout au plus des hypothèses fortes. Je n'ai jamais "proposé" la création de cette OME, mais prends acte qu'elle l'est par un nombre non négligeable de chefs d'Etat. 

7 "penser que pour être efficace une taxation écologique doit être significative et donc élevée" serait aussi une "croyance". Le penser à régulation globale inchangée, oui. En confondant état de départ état d'arrivée, oui. Mais en posant la question "existe-t-l une configuration de l'économie dans laquelle la richesse puisse se créer sur la maintenance ou l'amélioration des écosystèmes", la réponse est, j'en fais l'hypothèse, celle que je propose (avec d'autres à travers le monde). Que la transition d'un état à un autre doive se faire de façon très progressive: bien sûr. Cela étant la taxe carbone en Suède est aujourd'hui à 109 Euro, sans que les Suédois la rejettent. Mais en 1988, une loi suédoise a précisé que pour qu'une taxe écologique soit discutable au parlement la preuve devra être donnée que une ou plusieurs taxes d'un rapport au moins équivalent à celui attendu de la nouvelle taxe auront été abolies: dès lors, il était clair pour les Suédois qu'il s'agissait bien de taxes SUBSTITUTIVES et incitatives. 

Enfin, peut-être, du point de vue logique, le plus important. Dans mon esprit, il s'agit de raisonner A COÛT DE PRODUCTION INCHANGÉ. 
Il ne s'agit pas, par la fiscalité, d'alourdir les coûts mais de les redistribuer autrement. La compétitivité, dans son ensemble, ne devant pas s'en trouver affectée. 

Nous ne serons donc pas d'accord, parce que nous ne raisonnons pas selon le même pas de temps. Je décris une situation d'arrivée et vous tentez de faire mieux de la même chose dans le monde tel qu'il est organisé. Votre position permet elle de passer d'un monde dans lequel la création de richesse repose sur la destruction des écosystèmes à un monde dans lequel la création de richesse se ferait par la maintenance ou l'amélioration de ces écosystèmes?  Or, c'est cette question qui me préoccupe
Ne parlant pas du même problème (la fiscalité écologique pour vous, la destruction des écosystèmes pour moi), ne raisonnant pas dans le même temps (faisabilité maintenant, pour vous, possible état futur du monde pour moi), n'ayant pas le même système de "croyance" (caractère intangible du lien travail - retraite pour vous, interrogation sur la nature de ce lien, pour moi), il est effectivement peu évident que nous soyons d'accord... 

Je n'entrerai pas dans la question de savoir qui de nous deux travaille depuis le plus longtemps dans ce domaine : je ne m'occupe de questions de régulation dans le domaine des ressources renouvelables que depuis 1984. 
Je n'en déduirai certainement pas pour autant que vous soyez "naïf", ou "croyant" ni que vous débarquiez dans l'économie écologique ! Cependant, vous admettrez sans mal que la prise en compte des outils fiscaux par les économistes de l'environnement ne date pas d'hier : on peut dater cette prise en compte de Pigou ou, plus récemment, à Coase (1960). 

Bien cordialement, 


Jacques  Weber

 

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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 18:13

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 L'économiste Jacques Weber, directeur du CIRAD, membre du comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot,  vient de se prononcer, dans plusieurs déclarations,  pour la taxation de toutes les consommations de nature  : "énergie, eau, ressources renouvelables et non renouvelables".  Il décrit des mécanismes variées, parlant parfois de marchés de droits, parfois de redistribution incitative.

 

Je suis heureux de voir l'évolution de la pensée de Jacques Weber qui intégre maintenant dans sa réflexion la fiscalité environnementale. Quand, il y a deux ans, j'avais envoyé un mail pour expliquer la méthode des contributions incitatives à plusieurs experts du comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot, il avait été le seul qui avait eu la politesse de me répondre. Mais sa réponse était teintée de scepticisme.

Son évolution est donc encourageante car cela prouve que, de manière progressive, les économistes intelligents, dont il fait partie, intègrent l'outil fiscal, longtemps remisé dans la boîte des outils économiques considérés comme dépassés. Il décrit aussi la prise de conscience par les entreprises du de l'intégration du coût environnemental dans leur stratégie. 

 

Ayant le privilège de réfléchir à cette question depuis bien plus longtemps que lui, je tiens à mettre en avant quelques points de désaccords, points sur lesquels, il aura sans doute l'occasion d'évoluer dans les années à venir!

J'en vois principalement trois, qui constituent autant de croyances, qu'il va falloir dépasser.

1-Croire que la fiscalité environnementale doit avoir une dimension internationale, voir mondiale. Il propose par exemple, la création d'une Organisation mondiale de l'environnement qui "pourrait, par exemple, mettre en place une taxe sur l'énergie avec redistribution mondiale en raison inverse de la consommation". Si l'idée est séduisante, elle est malheureusement inapplicable. Dans le vaste jeu concurrenciel de la mondialisation, de nombreux pays auront beau jeu de refuser de la mettre en place, ruinant tout espoir de généralisation.

Il faut, au contraire,  commencer localement, installer des taxations à l'échelle de petites unités politiques (commune, région), mais des contributions incitatives qui apporte une plus-value à ces unités, engendrant la multiplication de ces contributions.

2-Penser que, pour être efficace, une taxation écologique doit être significative et donc élevée. L'instauration d'une taxe "significative" a des effets pervers démotivants. Elle entraîne des résistances importantes dans l'opinion publique et auprès des entreprises, quoi qu'en dise Jacques Weber, car on craint la perte de "compétitivité" et le jugement d'un électorat qui refuserait l'impôt par principe.

Il faut, au contraire, instaurer des contributions très petites, minces, symboliques. Mais à la condition de respecter deux principes clés des contributions incitatives:

-Leur augmentation est prévue, planifiée, connue à l'avance. Cette prévision, déjà imaginé par les promoteurs de la taxe carbone, permet aux acteurs économiques et aux consommateurs, d'anticiper sur leurs achats.

-les recettes des contributions incitatives servent intégralement à investir dans l'économie verte, dans la catégorie, le secteur dans lesquelles elles ont été prélevé. 

 

3-Croire que la taxation écologique va entraîner l'abolition des taxes sur le travail : cela "suppose le basculement des régulations, le remplacement e tout ou partie des taxes et charges pesant sur les salaires et sur l'outil de travail". 

Cette vision est erronée et naïve: en plein débat sur les retraites, cela supposerait, par exemple, que l'on finance les futures retraites par une taxation sur l'essence ou la pêche. Cette organisation de la confusion des genres entraînerait tellement d'effets pervers qu'il n'est pas difficile de comprendre que cette idée n'a aucun avenir : elle supposerait que nos retraites dépendent ... de la consommation de pétrole !

Il faut, au contraire, revendiquer l'idée que la taxation écologique est un nouvel étage de politiques publiques, qui le rend certes, plus complexe. Mais mélanger problèmes écologiques et sociaux serait passer du complexe au compliqué. Il faut éviter le "basculement des régulations", accepter l'idée que la régulation environnementale se suffit à elle-même, possède sa propre logique qu'il faut intégrer.

 

Conclusion : La prise de conscience écologique imprègne, petit à petit, tout le corps social. Ce qui est plus difficile, car plus récent, c'est l'acceptation de nouveaux modes de régulation sociales. 

Les réticences qui s'expriment à propos de la fiscalité environnementale proviennent le plus souvent de représentations erronées sur la question. Les avancées intellectuelles de Jacques Weber sur la question prouvent que la réflexion sur la question est en plein bouleversement.

 

Lire la réaction de Jacques Weber à cet article

Suite à cet réaction, et avec l'accord de Jacques Weber, j'ai réalisé trois articles regroupant nos arguments respectifs :

la fiscalité environnementale doit-elle avoir une dimension internationale?

une taxation écologique doit-elle être significative et donc élevée?

La taxation écologique doit-elle se substituer aux taxes sur le travail?



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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 05:58

 

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Comment agir? Quelles formes politiques peut prendre l'action publique en faveur de l'environnement? Comment la fiscalité verte appelée sur ce blog contributions incitatives peut favoriser le changement et constituer un nouvel outil politique?


Dans un article récent, Olivier Daniélo, auteur du site Objectif terre écrit :

 

Croire que le marché et les éco-technologies, vont, tous seuls, règler les problématiques sociales est de mon point de vue une illusion. La main invisible est d'ailleurs à mon avis une illusion qui relève d'une approche holiste : l'illusion que le marché se comporte comme un grand tout capable de s'auto-réguler, et ceci pour le bonheur général.

 .... 

"Le marché est un superbe serviteur, un mauvais maître et la pire des religions."

- Amory Lovins 

Domestiquons le marché, domestiquons les technologies. Pour l'homme.

Domestiquons, mais avec intelligence car l'hyper-domestication (étatisme exacerbé) peut tuer le marché et tuer les initiatives innovantes et finalement la liberté de chacun.


Ce dernier paragraphe est, à mon sens, essentiel car il porte la principale contradiction que nous devons affronter pour faire évoluer nos sociétés (et pas uniquement dans le champ de l'écologie) : si nous privilégions la domestication à grand coup de réglements, de normes, d'interdictions, de vérifications, d'injonctions, nous courrons à l'échec. L'homme du XXIéme siècle consumériste et nourrit de ses droits n'accepte pas facilement de subir cette domestication et ce contrôle. L'idée de LIBERTE est acquise, la suppression des barrières réelles ou mentales depuis 40 ans rend impossible toute tentative de normalisation, de contrôles et de subordination.

Et en plus, on sait que ces stratégies sont inefficaces car les acteurs vont tout faire pour contourner l'obstacle et vont refuser l'infantilisation qu'elle veut imposer.

Penser régler nos problèmes par la règle et la coercition est une illusion inutile.


Mais comme le dit justement Olivier, le laisser-faire serait aussi criminel et imbécile. Croire à l'auto-régulation confine à la naïveté ou à des arrières-pensées peu sympathiques. Le marché est un outil aussi efficace que dangereux car il ne sait s'auto-réguler sans casser la machine (et les gens qui sont dedans!).


Alors comment domestiquer avec intelligence? Comment trouver les moyens de faire évoluer le système complexe que constitue une société du XXIéme siècle? Comment lui donner les moyens de s'auto-réguler? 


Si les règles, les interdits, les lois ne peuvent agir et que le laisser-faire est une impasse, de quel outil dispose les pouvoirs publics pour agir?

L'un des plus intéressant est la fiscalité, un outil au coeur de l'action de l'Etat, un des derniers alors que la mondialisation délite peu à peu les autres leviers étatiques.

Mais la fiscalité est un sujet aride et ingrat, inadapté aux grandes promesses électorales (sauf pour annoncer qu'on va réduire les impôts), inadapté, dans sa forme actuel, aux nouveaux enjeux sociaux, un sujet qui ne fait pas rêver!

Et pourtant, quel formidable outil pour nos problèmes écologiques ! En le retravaillant, en imposant quelques principes-clés:

-la fiscalité verte ne doit pas être subite: on doit pouvoir y échapper par une action volontaire en faveur de l'environnement. La liberté de chacun peut ainsi être préservée.

-la fiscalité verte doit ouvrir de nouveaux horizons, elle doit être le levier pour changer d'habitus en adoptant de nouveaux comportements "verts", en investissant dans ses nouveaux comportements, en favorisant l'innovation, en relançant des dynamiques économiques qui nécessitent l'innovation (Schumpeter).

-la fiscalité verte ne peut pas être normative, imposer des comportements, elle doit amener la société à "tendre vers" sans imposer des règles et des technologies au détriment d'autres. Elle doit être levier de changements, créateur de dynamique, elle doit être une force créatrice, utilisant les ressources de l'impôt au service de ceux même qui y sont assujeti.

Une fiscalité verte est une fiscalité qui prend pour redonner à ceux qui investissent dans l'économie verte.

 

Pour en savoir plus:

Qu'est ce qu'une contribution incitative?

contributions incitatives

 

 

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5 mai 2010 3 05 /05 /mai /2010 21:50

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Jean  Sireyjol , infatiguable animateur bordelais de TACA, a écris un commentaire à mon article intitulé  redistribuer la taxe carbone, une bonne idée?, voici ma réponse en bleue: 

Excuse moi, mais c'est idiot de dire que redistribuer l'argent c'est pour acheter les gens.


 

Ce n'est pas exactement ce que j'ai voulu dire. J'ai écris : "cela me semble une mesure démagogique: on va caresser l'électeur dans le sens du poil."  

Je suis parfaitement conscient que cette intention n'était pas celles des promoteurs de la taxe carbone, mais elle a été perçu et utilisé de cette manière par certains politiques.

Pour nous inciter à moins polluer avec le CO2, il faut mettre un prix sur le CO2 (on peut rapidement comprendre cette absolue nécessité sur laquelle toutes les personnes serieuses s'accordent, des écolos jusqu'aux patrons de Shell et Exxon).

 


Mettre un prix au carbone, c'est une évidence qu'il faut le faire!  Et je ne conteste pas la nécessité d'une taxation carbone ! La preuve, c'est que j'écris depuis trois ans, pour défendre la nécessité d'une fiscalité écologique !  A ma connaissance, personne, sur le net, en français, n'a autant écrit sur la question! Etant donné que je fais cela de manière bénévole, par conviction militante, je pense qu'il est difficile de me reprocher de ne pas appartenir à ces "personnes sérieuses" dont tu parles!

Cependant, cette notion de "personnes sérieuses" m'interpelle. Elle me fait penser à la réaction de JM Jancovici, qui, après le recul du gouvernement sur la taxe carbone, a écris quelque chose comme "les cancres ont gagné".

Alors, oui, c'est vrai, sur le net depuis  deux ans, on a vu un florilège de réactions nulles du style "encore une taxe de plus". Mais cette avalanche de réactions idiotes ne doit pas nous laisser nous enfermer dans la posture : nous, avec notre taxe carbone, nous avons raison, et les autres sont des idiots qui ont tort. 

La taxation du carbone est une bonne chose, mais la méthode choisie n'est pas forcément la bonne. C'est ce que j'interroge depuis trois ans : trouver des modalités fiscales à la fois possible techniquement, facile à mettre en oeuvre, acceptable pour l'opinion, et permettant des changements de modes de vie et le démarrage de l'économie verte. Il est clair que la taxe carbone, en l'état, ne répond pas aux deux derniers critères.

 
Ensuite, il n'y a aucune raison que les personnes les plus modestes soient un peu plus 'coulées' par ce cout supplémentaire, alors qu'elles memes émettent peu de CO2. D'où le principe de redistribution, pour que ce surcout soit au moins compensé pour les personnes modestes.

Avoir une préoccupation sociale ne veut pas dire que la redistribution du chèque vert soit la seule et la bonne solution sociale au problème. On peut envisager d'autres pistes


Je te conseille de lire notre proposition de Contribution climat universelle (sur le site de taca). c'est l'application, avec les chiffres officiels de l'Agence Internationale de l'Energie, du principe chacun paie pour la pollution CO2 qu'il émet et chacun reçoit la meme part.
C'est un principe de justice élémentaire et les chiffres montrent qu'une telle mesure aurait un impact économique à la mesure du problème qu'on doit résoudre.

Je ne crois pas à la contribution climat universelle. Je m'en suis expliqué dans un article après avoir longuement cité ton texte. Si la taxe carbone est une chimère, alors l'universalité d'une contribution?  D'une manière générale, je ne crois pas aux grandes décisions politiques censés tout résoudre. C'est une vision très française, colbertiste de la politique, la décision vient d'en-haut, de la "République" et s'applique à tous. La taxe carbone relève de cette philosophie politique, illusoire à mon avis.

Je fais, moi, confiance aux acteurs de terrain, aux micros-décisions concrètes, à la liberté (encadrée) qui donne pouvoir à chacun de s'emparer de ses préoccupations et d'avancer. Les politiques publiques doivent encadrer, mettre en place les régles du jeu, et ne pas imposer de manière unilatérale une décision qui s'impose et déresponsabilise le citoyen. 

Je ne crois pas non plus en une taxation unique, censé résoudre tous les problèmes. Mon expérience personnelle de l'action publique m'amène à croire aux actions ciblées dans un champ précis.

Cette philosophie politique, je la met en application dans le système des contributions incitatives, qui me semble plus efficace et réaliste que la taxe carbone. Je ne sais pas si j'ai raison, mais je pense que, si on veut avancer, si on croit à la nécessité de l'action, alors il faut interroger la pertinence du modèle de la taxe carbone, le critiquer pour proposer autre chose de plus aboutie, ou plus, plus simplement, l'améliorer.

 Jean, au plaisir de te lire

Rodrigue

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24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 09:01

 

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Outre la taxe carbone, une autre solution de fiscalité verte est régulièrement présentée : le financement des cotisations sociales par une fiscalité verte : remplacer les charges sociales par un éco-impôt sur les capitaux polluants.


Cette solution me semble une autre mauvaise réponse à un vrai problème.


Pourquoi ?


parce que faire dépendre la solidarité nationale (chômage, retraite, maladie) d'un financement lié aux activités polluantes et carbonées, c'est créer un lien indestructible entre elles. 

en effet, la solidarité nationale dépendra de la continuation d'activités nuisibles à terme, que l'on sera obligé, en conséquence, de maintenir !

De la même manière que la TIPP ou les taxes sur les cigarettes devenues indispensables au budget de l'Etat. 

 

D'autre part, cela serait déconnecter les charges sociales du principe de solidarité nationale, du principe de répartition entre les différentes catégories d'acteurs sociaux de la prise en charge des plus faibles. Tout le pacte sur lequel se fonde le ciment social européen serait remis en cause.


A éviter absolument !


Préférons une fiscalité environnementale cohérente et positive comme celle des contributions incitatives que je défend sur ce site.

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