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Il faut demander plus à l'impôt

et moins aux contribuables

 

Alphonse Allais

 

Outil fiscal

Les contributions incitatives sont des micro-taxes payées sur les activités polluantes. L'argent récolté permet aux plus démunies d'investir dans les transitions écologiques et énergétiques. 

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Un résumé de la pensée de l'auteur sur la crise écologique 
9 février 2014 7 09 /02 /février /2014 07:55

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Le 8 novembre 2013, l'ancien candidat à la présidence de la FED, Lawrence Summers a tenu un discours particulièrement pessimiste à la quatorzième conférence Jacques Polak du FMI. Depuis les milieux économiques et  les médias se sont emparés de ces propos et, particulièrement, de l'usage de l'expression "stagnation séculaire". Ce terme a été inventé par le keynésien Alvin Hansen, à la fin des années 30, lorsque les économistes pensaient que la Grande dépression allait durer très longtemps.

Les économistes continuent de se tromper et de se leurrer joyeusement. Inventant, au fur et à mesure de leurs erreurs, de nouvelles grilles d'analyse. Après "la reprise dans deux ans" des années 2009-2011, nous avons eu droit à la "grande récession" des années 2012-2013. Et maintenant voilà venu le temps de la "stagnation séculaire". L'économie est une science merveilleuse: à chaque fausse analyse, qui aurait dû discréditer la confrérie, celle-ci imagine une nouvelle idée qui fait courir les crédules que sont nos politiques et nos journalistes.

Les explications données à cette "stagnation du siècle" sont merveilleusement poétiques: Larry Summers explique qu'il faudrait investir davantage et que les gains de productivité ne sont pas au rendez-vous. Pour Paul Krugman, c'est "la trappe à liquidité" le coupable: les taux d'intérêt étant très bas, les agents économiques préfèrent spéculer que d'alimenter l'économie réelle. Robert J. Gordon explique que la croissance de la productivité espérée grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication n'est pas au rendez-vous: Twitter emploie quelques centaines de personnes quand l'automobile en embauchait des centaines de milliers.

Vous avez remarqué? Les économistes, désemparés face à un phénomène qu'ils ne comprennent pas,  ne peuvent parler que d'une seule chose: des activités productives et de la circulation de l'argent. Ils ne peuvent imaginer d'autres explications, ils ne savent pas comment faire pour inventer d'autres théories que celles qui tournent autour des gains de productivité, des taux d'intérêt, de l'épargne et de l'ensemble de leurs propres concepts. Comme si le monde des hommes se suffisait à lui-même, ne s'inscrivait pas dans des territoires, ne dépendait pas de ressources naturelles limitées, n'était pas soumis aux aléas climatiques.

Cela s'explique sans doute: quand on habite et travaille dans des centres-villes complètement artificielles, quand notre niveau de vie nous affranchit depuis notre petite enfance de la faim, du froid et de la chaleur, quand le frigo a toujours été plein, que l'eau coule au robinet depuis notre naissance, quand des avions nous mènent en vacances dans des paradis factices. Pour toutes ces raisons, les faiseurs d'opinions, qui vivent de cette façon, ne peuvent imaginer d'autres explications à notre crise économique.

Ils ne peuvent comprendre le processus en cours actuellement. C'est tout simplement parce que les hommes ont atteint les limites des ressources planétaires que la stagnation séculaire est là (1). La seule réponse possible est l'investissement massif dans les activités durables et les transitions écologiques par une inflexion des politiques publiques et fiscales.

(1)Dès l'été 2010, l'auteur de ce blog décrivait et expliquait ce phénomène.

 

 

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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 07:53

Dans quelles sphères de l'écologie se situe le travail de l'auteur de ce blog et du livre à venir?  Nous n'allons pas chercher ici à brosser un tableau exhaustif des différentes mouvances cohabitant dans les milieux écologiques. Nous avons plutôt comme objectif de mettre en évidence l'originalité  de sa réflexion.

A grands traits, on pourrait classer la noosphère écologique en deux univers.

Tout d'abord, une écologie que l'on qualifiera d'originelle. Cette écologie originelle s'est développée à partir des années 70. Nourrie du romantisme du 19éme siècle, sa pensée se focalise sur la Nature conçue comme bienveillante. Les atteintes à cette matrice de la vie sont perçues comme des attaques et des agressions. Les partisans de cette écologie aspirent à vivre dans le monde rural, cherchent à s'éloigner des dégâts du progrès, ne croient guère à la résilience des sociétés contemporaines et cherchent à s'en préserver. Dans le monde francophone, Pierre Rabhi est probablement le représentant le plus illustre et le plus brillant de cette tendance. On y a la conviction que seul l'action individuelle peut sauver chacun d'entre nous et l'Humanité (mouvement Colibri).

A partir des années 80 va apparaître une nouvelle tendance dans la mouvance écologique que l'on qualifiera d'écologie politique. Pour répondre aux enjeux de la dégradation de la Planète, certains écologistes pensent, au contraire, qu'il faut s'intéresser à l'action publique, s'y impliquer et changer le monde en imposant des réformes qui permettront de faire passer l'intérêt collectif de notre planète avant les intérêts particuliers des consommateurs et des entreprises. Pour ses partisans, c'est bien souvent l'argent qui est désigné comme le responsable de nos maux environnementaux. L'urgence écologique s'oppose alors aux contingences du profit et de la croissance. Dans le monde francophone, René Dumont fut le grand ancêtre précurseur d'une pensée dont le leader actuel -mais controversé- serait aujourd'hui Nicolas Hulot.

 

Comment se situe alors la pensée développée dans le site "fiscalité environnementale" et dans le livre à venir? Elle serait le précurseur d'une nouvelle tendance qui, sans renier les apports des deux premiers courants, cherche à concilier le monde économique avec les urgences écologiques. Il s'agit d'une réflexion qui a la volonté d'utiliser le levier incontournable, que constituent les activités économiques, pour transformer en profondeur les sociétés. Construire des transitions durables nécessite l'adhésion de tous les acteurs. Il faut donc trouver des compromis acceptables par tous. Ceux-ci doivent s'appuyer sur un volontarisme de l'action publique qui ne pourra pas faire l'économie de la recherche de pratiques innovantes. A ce titre, le levier de la fiscalité environnementale, dégagé des oripeaux conformistes qui expliquent ses échecs actuels, doit devenir un outil déterminant du compromis à venir entre activité économique et exigence écologique.

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 15:46

experts

 

 

 

Les observateurs, les experts, les journalistes, les scientifiques, toutes ces professions ont pour objectifs de nous aider à comprendre le monde. Or, il devient chaque jour manifeste qu'ils n'arrivent plus à nous l'expliquer. La complexité croissante des sociétés humaines rend de plus en plus délicat le travail des observateurs censés le décrypter.  Comment expliquer ce processus inquiétant et comment lutter contre lui?

 

Si vous doutez que nous n'arrivons pas toujours à comprendre le monde dans lequel nous vivons, illustrons cette affirmation avec deux exemples.

Depuis des décennies, alors que la preuve est faite que la cigarette est particulièrement néfaste (une cigarette, c'est 11 minutes de vie en moins en moyenne), nous assistons à une résistance, en apparence, incompréhensible de la consommation qui continue de rester très importante alors que tout le monde connaît la nocivité du tabac, alors que la publicité pour le tabac est aujourd'hui très limité. 

Des études historiques récentes ont montré comment l'industrie du tabac a su résister à cette évidence de santé publique. Elle l'a faite, en acceptant cette évidence, mais en subventionnant les recherches qui montraient le rôle des pollutions dans les problèmes respiratoires des citadins ou le rôle prétendument positif du goudron contre le diabète.

Elle a su ainsi s'adapter en ouvrant des contre-feux, qui ont détourné le public de l'image néfaste du tabac, en multipliant les informations contradictoires, au point de perdre les consommateurs qui pouvaient toujours trouver des excuses (il y a plus néfaste, cela n'est finalement pas si grave, ...). Les industriels ont réussi leur stratégie en noyant le poisson! 

Le plus étonnant semble bien qu'il nous ait fallu cinquante ans pour qu'on l'analyse et qu'on le comprenne! Cinquante ans pendant lequel l'arsenal législatif, faute d'avoir pu connaître la stratégie des industriels, s'est révélé inefficace !

 

Autre exemple pris dans l'actualité récente: le débat sur la transition énergétique, lancé depuis quelques mois, se déroule d'une manière surprenante. Il est mené par des experts et des personnes passionnées par ces questions.

On y parle beaucoup d'efficacité énergétique et d'isolation, on se délecte de discours bien-pensant sur la fracture énergétique ("la transition sera sociale"). 

Et pourtant, nous disposons de bien peu de chiffres sur le coût estimé de cette transition. De manière assez étonnante, cette question du chiffrage financier n'est presque jamais évoquée. Or, la transition ne se fera pas, ou très peu, si on ne dispose pas des financements nécessaires aux énormes besoins d'infrastructures qu'elle réclame.

Cette évidence oubliée montre la cécité des, (pourtant !) experts de la question.

 

Pour comprendre pourquoi ce travail de clairvoyance est devenu impossible, nous allons prendre quelques exemples vécus.

Les trois premiers concernent les quartiers appelés sensibles et l'analyse qui y est faite de l'action d'un service public au sein de cet environnement "difficile". 

1-une équipe d'inspecteurs vient sur le terrain pour une demi-journée et rencontre une équipe. Composés de hauts fonctionnaires brillants et expérimentés, dont la culture est aux antipodes du milieu qu'ils viennent observer, ils ne comprennent pas tous les enjeux du terrain. Leurs questions, leur angle d'analyse reflètent leurs visions préalables à leur visite. Ils ne conservent que les réponses qui leur conviennent, qui correspondent à leurs propres hypothèses, et se désintéressent des autres.

 

2-Un étudiant en sociologie réalise son master 2 dans un établissement public, où il s'immerge pendant plusieurs mois. Malgré ses qualités d'empathie et sa bonne volonté, son mémoire apparaît bien décevant: l'étudiant n'a pu en effet se débarrasser des représentations fausses sur le milieu qu'il venait analyser.

 

 

3-un audit est conduit sur un territoire "difficile". L'équipe de jeunes et très intelligents experts ne connaît pas le terrain et la culture du ministère qu'ils doivent évaluer et pour lequel ils doivent faire des propositions. Une après-midi de travail les rassemble ainsi qu'une vingtaine de cadres de l'administration évaluée. Mais les échanges se révèlent bientôt d'une très grande pauvreté. 

Les questions des experts, presque naïves, démontrent qu'il s''agit pour eux de se former car ils ne connaissent pas le terrain et les rouages complexes d'une administration qui possède ses propres codes et habitus. 

Autre observation intéressante : les prises de parole variées révèlent parfois des remarques faites par certains cadres d'une grande pauvreté d'analyse, alors qu'ils sont pourtant des praticiens d'une grande valeur. 

Ce travail de formation de deux experts par vingt cadres aura coûté ... 8000 euros! C'est le poids de la masse salariale de vingt cadres pour une demi-journée de travail! Un vrai gâchis d'argent public! (mais ce genre d'opération peut aussi se rencontrer dans la sphère des entreprises privées).

 

Ce qui est commun à ces trois exemples, issus de situations vécues, c'est l'incapacité des trois démarches  utilisées par les différents acteurs, et pourtant variés, d'analyser le réel.  Dans chacune de ces situations, il est devenu impossible de comprendre de l'extérieur, des organismes ou des sociétés humaines travaillés par des enjeux de plus en plus complexes et contradictoires, ayant accumulé des compétences et des modes d'actions foisonnants et d'une grande diversité. 

 

La position de l'analyste, le point de vue d'où il se situe, détermine cette difficulté.  S'il est à l'intérieur d'un système donné, il ne possède plus le recul nécessaire pour en analyser les enjeux et mettre en perspective ce qui s'y joue.

S'il est situé à l'extérieur du système qu'il examine, il ne peut décrypter, par manque de temps et par insuffisance de ses grilles d'observations, la totalité des procédures et des tensions qui travaillent l'environnement qu'il tente de comprendre.  

Dans les trois cas présentés, les représentations faussées sur ce qui est étranger, viennent perturber toutes les tentatives d'explication d'une situation donnée.

 

Les scientifiques ont, eux aussi, des difficultés particulières: même s'ils disposent de davantage de temps que le journaliste ou le consultant, ils souffrent d'un autre travers. Ils analysent une situation donnée avec les outils qui sont propres à leurs disciplines: ainsi, un établissement public étudié par un économiste, un sociologue, un ethnologue donnera lieu à trois mémoires radicalement différents, analysant pourtant une même situation. Or, la réalité de cet établissement publique se trouvera plutôt au croisement de ces différentes approches. Là encore, les présupposés et les invariants d'une école de pensée vont prendre le dessus sur la spécificité particulière d'une situation donnée.

De plus, les focales choisies dans une recherche sont tellement précises que l'objet étudié ne l'est pas toujours en tenant compte de son contexte, ou d'une façon bien souvent fragmentaire.

 

Cette difficulté à comprendre la complexité du réel se retrouve bien entendu dans le travail des journalistes. Nous sommes tous victimes du flot gigantesque d'informations déversé par des médias de plus en plus envahissants et réactifs.

Dans une interview (Revue clés, avril 2013) portant le titre évocateur suivant: Ebriété informative, l'information est-elle toxique? la journaliste de radio Ilana Moryoussef, tente de décrire  le flot d'informations qui, chaque jour, nous submerge: "c'est comme si nous étions entourés de moustiques qui nous piquent de tous côtés: nous recevons des infos, des stimulations permanentes".

Elle émet un avis négatif sur le travail des journalistes: "nous disposons d'une masse d'informations, nous avons en principe une très grande liberté, et alors pourquoi disons-nous tous la même chose?".

 

La masse sans cesse renouvelée d'informations brutes finit en effet pour empêcher toute tentative cohérente d'analyse lucide des événements, elle renforce les stéréotypes et ne permet pas une compréhension distanciée, elle n'autorise aucune prise de hauteur, de prise de recul, dans le temps et dans l'espace.

Nous sommes comme des spectateurs qui regarderaient une mosaïque murale, le nez collé à l'oeuvre, découvrant chaque seconde une nouvelle unité de couleur (tesselles) mais incapable de comprendre le sens général de l'oeuvre puisque ne pouvant l'admirer dans son ensemble.

 

 

 

 

Faut-il alors désespérer et ne plus croire au travail des scientifiques, des journalistes et des experts? Bien entendu, la réponse est heureusement négative.

 

Mais pour permettre de comprendre le monde qui nous entoure, il ne suffit plus de s'entourer des professionnels énumérés jusqu'à présent, il faut aussi faire appel à d'autres catégories auxquelles on fait rarement référence:

1-D'abord l'intellectuel de terrain. Il s'agit souvent d'un universitaire, un scientifique qui, dans sa démarche de recherche, s'est donné les moyens de s'investir, sur le long terme, sur un terrain spécifique qu'il a analysé avec ces outils scientifiques propres mais aussi le bon sens qui naît d'une longue connivence avec la réalité. Intellectuel, il est capable, d'autre part, de relier ce terrain longuement apprivoisé, avec des concepts généraux. Il relie donc le particulier au général, le local au global.

2-Ensuite, et surtout, il faut s'appuyer sur des experts de terrain: le monde vu par un praticien du terrain capable d'une posture intellectuel de recul.

Au sein des populations de chefs d'entreprises, des cadres de structures complexes, administration, structure publique ou privée, il existe des individus capables de faire ce travail qui met en perspective le travail de terrain avec son contexte historique et avec les notions importantes nécessaires à sa compréhension. Fortement impliqué dans un territoire donné, ayant acquis, au fil des années, des compétences particulièrement solides, ils disposent d'un recul sur leur pratique, sur les institutions et sur les partenaires avec lesquels ils travaillent.

 

Prenons un exemple: les directeurs de centres sociaux sur la commune de Marseille. Comme toute population de cadres, elle est composée d'individus disparates. Certains sont incompétents, d'autres sont particulièrement compétents. Mais parmi ces derniers, il en existe très peu qui ont, aussi, une longue expérience, une longue connaissance des quartiers marseillais, une connaissance approfondie de l'éducation populaire et du travail de fourmi  réalisé depuis des décennies par ces structures. Ces individus experts praticiens dans leur domaine représentent un ou deux pour cent d'une population particulière.

Si un journaliste, ou un scientifique, vient questionner, au hasard, un directeur de centre social, il pourra avoir des réponses disparates et très imprécises. S'il vient voir un de ces directeurs experts dans leur domaine, il va disposer d'une analyse fine et complète de la situation.

 

Conclusion: la situation de plus en plus complexe de chaque sujet mérite d'aller chercher les seules personnes qui en ont une vision à la fois globale et précise: les experts de terrain.

 

Revenons à notre premier exemple du tabac: un journaliste n'aura pas le temps d'une analyse approfondie qui aurait pu lui permettre de comprendre comment l'industrie utilisait la recherche à son profit.

L'universitaire, partie prenante du phénomène, n'aura pu délivre une analyse juste puisqu'il était impliqué.

 

Seuls les fonctionnaires, cadres de la lutte anti-tabac, les plus impliqués, connaisseurs de ce dossier depuis longtemps auraient pu établir une analyse juste de la situation. Ils devaient se compter sur les doigts d'une main et on peut parier que personne ne leur a demandé leur avis !

 

Pour aller plus loin:


Pourquoi nous ne comprenons rien à la crise?

La récession durable


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16 mars 2013 6 16 /03 /mars /2013 06:43

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Avec la création, par le gouvernement, d'un comité pour la fiscalité écologique, la fiscalité environnementale est maintenant au coeur de la réflexion collective sur la transition énergétique. Tous les acteurs et experts concernés s'y intéressent enfin. Pourtant, cette fiscalité a été longtemps  déconsidéré en France. Youri Pacha, journaliste indépendant, a voulu en savoir davantage sur cette question. 

Il interroge pour cela Rodrigue Coutouly, un blogueur très actif, connu pour ses multiples interventions sur l'écologie politique, qui s'intéresse à la fiscalité environnementale depuis prés d'une décennie. Youri Pacha est donc descendu à Marseille pour réaliser l'interview, d'un acteur estimé de la blogosphère.

Le gouvernement a entamé, depuis la conférence environnementale de septembre, un long travail de concertation. Que pensez-vous du déroulement du débat sur la transition énergétique? Ce débat est une véritable chance pour la France. Enfin, par des débats publics, des manifestations décentralisées et l'utilisation d'internet, on se donne les moyens, dans notre pays, de réfléchir collectivement sur une question de société majeure qui aura des impacts à long terme sur le bien-être des citoyens.

On peut cependant avoir deux regrets: le refus de participer de certaines associations antinucléaires et l'organisation un peu technocratique du débat.

Le débat prend pourtant de multiples formes variées, il devrait permettre à tous de s'exprimer. Pourquoi ces critiques? Je ne suis pas convaincu de la pertinence des différents thèmes des groupes de travail. Séparer la question de l'efficacité énergétique du thème du financement de la transition me semble par exemple une erreur. Le coût de l'isolation des bâtiments anciens est considérable, il faut envisager ces questions de manière globale.

D'autre part, il y a une séparation très nette entre les groupes de travail et la concertation citoyenne (débats physiques et internet). En 2007, lors du Grenelle de l'Environnement, j'avais pu envoyer directement ma contribution au groupe de travail qui a proposé le bonus-malus automobile. Aujourd'hui, on ne voit pas bien comment la réflexion citoyenne va pouvoir alimenter la réflexion des experts.

Pourquoi ce regret sur l'absence des associations antinucléaires? Le désengagement, avant même le démarrage du débat, d'associations importantes comme Greenpeace est déplorable. Sur le principe d'abord, c'est une manie très française, de considérer toute tentative de compromis comme une compromission. De plus, cela déséquilibre le rapport de forces entre pro et anti, au bénéfice des premiers. Or, le nucléaire est une question cachée très ...

Ces associations ont fortement critiqué le pilotage du débat par des pro-nucléaires, ont-elles tort sur ce point? Il est vrai que de nombreux membres du comité sont probablement pro-nucléaires, Anne Lauvergeon, le président du comité d'expert Alain Grandjean par exemple. Mais ce n'est pas le cas de Bruno Rebelle.  Pour moi, le problème n'est pas là, le problème, c'est la place du nucléaire dans ce débat.

Mais, justement, aucun thème de travail du débat ne concerne le nucléaire. Je ne vois pas en quoi, il s'agit d'un problème! La transition énergétique française va dépendre fortement du devenir du nucléaire. La majorité des centrales nucléaires ont été construite dans les années 80 (au début du premier septennat de Mitterrand). A l'époque, on considérait qu'elles avaient une durée de vie de trente ans. Les pouvoirs publics sont donc devant des choix essentiels pour notre avenir, des décisions qu'ils vont devoir prendre dans la décennie à venir: soit remplacer les centrales anciennes par des nouvelles, soit réaliser une transition non nucléaire, comme font les Allemands et d'autres pays. 

Cette décision cruciale n'est pas abordée: si vous lisez les objectifs et les thèmes du débat, le (gros) mot de nucléaire n'est pas cité une seule fois.

Quels conseils pouvez-vous donner aux organisateurs du débat? Je ne sais pas si je suis en droit de le faire. Mais je pense qu'il faudrait d'abord donner davantage de place à la sphère du Net, en autorisant des débats internet thématiques et non un seul débat global. Il faudrait avoir accès aux comptes-rendus des séances de travail, avec la possibilité de réagir à ces travaux. Ensuite, il faudrait avoir le courage de créer un nouveau groupe de travail autour de cette question du nucléaire, car l'implicite n'est pas bon signe pour une question aussi vitale pour l'avenir énergétique du pays.

Le gouvernement a mis en place  un comité pour une fiscalité écologique. Pour vous qui avez créé le site fiscalité environnementale, il y a cinq ans, c'est probablement une bonne nouvelle. Quelle place faut-il d'ailleurs accorder à la fiscalité dans ce débat sur la transition? Je me félicite de la prise de conscience, par l'opinion publique, de l'importance de la fiscalité écologique. C'est un outil de gouvernance essentiel. On sort d'une période pénible où, chaque fois que l'on parlait de fiscalité, on était taxé, le jeu de mots est facile, d'être un traître qui voulait accroître les impôts. L'Etat et les contribuables ont des rapports très infantiles sur cette question. Il faut, des deux côtés, faire davantage preuve de responsabilité.

Pour la transition, la question du financement est cruciale et ... irrésolue à ce jour. Or, ma conviction, depuis des années, est que seule la fiscalité va permettre de résoudre ce problème. C'est la fiscalité qui doit servir à financer la transition.

Il y a beaucoup de cécité et de représentations fausses sur la fiscalité dite "verte". Je me bats depuis des années pour promouvoir une fiscalité qui ne soit pas punitive et infantilisante. Je combats aussi les projets qui veulent mélanger les "taxes" sur le travail avec la question des émissions de carbone, ces deux sujets n'ont rien à voir entre eux et cela entraînerait des confusions regrettables, au détriment de la clarté et des valeurs de l'écologie politique. Mon site, fiscalité environnementale, est le coeur de cette bataille difficile.

Je ne comprends pas bien comment la fiscalité va pouvoir financer la transition? Il faut, par exemple, que les taxations des émissions de carbone, soient redistribués aux contribuables qui réaliseraient des investissements permettant de limiter ces émissions. Ce type de démarche commence à se développer dans d'autres pays et Christian de Perthuis, qui anime le comité pour la fiscalité, ne semble pas y être opposé.  

Quels conseils pouvez-vous donner à tous ceux qui veulent agir dans le cadre de l'écologie politique? Il faut investir l'opinion publique qui s'exprime aujourd'hui d'une manière moins descendante qu'autrefois. Les forums, les blogs et les sites de presse sont des lieux de combat où les inquiétudes sur l'avenir de la Planète doivent devenir majoritaires. Tout le monde vient lire ces sites, les experts repliés sur leurs savoirs exclusifs sont des survivances du monde ancien. La pensée collective, la Noosphère que Edgar Morin a mis en évidence, est une réalité partagée. Les experts officiels doivent débattre avec les citoyens concernés et impliqués : la démocratie participative doit devenir une réalité.

Propos recueillis par Youri Pacha.


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26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 08:19

Quand on s'intéresse aux questions écologiques ou cilmatiques, il est crucial d'être correctement informé. Or, la complexité des sujets se combine avec la quantité énorme d'information : nous ne savons plus comment faire pour s'y retrouver dans la masse gigantesque de points de vue, de chiffres, de publications qui apparaissent chaque jour.

Certes, on peut lire avec bonheur la presse qui émerge autour des questions écologiques, avec en fer de lance, l'incontournable Terraéco, mais on y est rapidement limité par l'aspect ludique que la presse papier est obligé d'utiliser pour pouvoir rentabiliser un média papier.

Comme très souvent, depuis quelques années, la surprise -et les progrès en ce domaine- provient d'Internet. 

Si vous cherchez une information de qualité, il faut absolument aller voir le site Overcast, le "blog du changement climatique et de l'économie bas-carbone". Pourquoi ? Parce que son auteur, Olivier Guy, fait un travail remarquable, d'une redoutable précision sur les sujets qu'il traite.

Sans concession, sans compromis, Olivier explore les sujets avec minutie, va chercher l'information là où elle se trouve. 

Au-delà de ses articles, fouillés et complets, Overcast publie chaque lundi une newsletter de grande qualité, la lettre du climat, auquel je recommande de s'abonner: recevoir, chaque début de semaine, une information de cette qualité, avec une multitude de liens permettant d'accéder à l'immense production du Web est un bonheur qui rassure sur les capacités de l'Humanité à se donner les moyens de se sortir de la crise climatique où il se trouve plongé.

Lisez Overcast ! Abonnez-vous à la Lettre du climat!


 

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22 janvier 2013 2 22 /01 /janvier /2013 08:25

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Au fur et à mesure des années, la notion de crise écologique prend une place de plus en plus importante, aux côtés de la persistante crise économique. Un nombre de plus en plus important d'analystes, d'experts et de journalistes, admettent maintenant la réalité d'un problème écologique persistant et de plus en plus inquiétant.

On en voudra pour preuve l'importance que ce sujet prend au forum économique mondial de Davos, cette année. Interrogés par sondage, les participants placent désormais le sujet de la protection de l'environnement au deuxième rang de leurs priorités, derrière la croissance économique.

Le bilan du Monde 2013, qui vient de paraître se retrouve sur la même logique: cet atlas, accompagné des grands indicateurs des 180 pays de la planète, accorde une place importante aux problèmes écologiques.

Mais les experts et les gouvernants continuent de croire que ces deux problèmes -l'écologique et l'économique- constituent deux entités différentes qui n'ont que peu de liens. Ils concèdent seulement que la lutte contre le réchauffement climatique et l'indispensable transition énergétique vont coûter énormément d'argent. Dans ces conditions, la crise économique constitue un frein à la protection de l'environnement.

Pourtant, il faut adopter une vision globale et prendre davantage de hauteur pour comprendre les liens forts et les interrelations entre ces deux problèmes. Depuis l'apparition de la réflexion systémique et la prise en compte de la complexité, on sait pourtant que les phénomènes, à l'intérieur d'un système donné, sont nécessairement entremêlés.

On veut esquisser, ici, quelques pistes qui permettent de comprendre les interactions qui unissent fondamentalement ces deux univers.

Une notion économique de base, la croissance, permet de les relier. Mais, à condition, d'adopter un regard neuf pour la comprendre. 

On sait, aujourd'hui, que le produit intérieur brut est un indicateur qui a ses limites. Il est, par exemple, fortement dépendant de la facilité d'accès aux ressources.

Main-d'oeuvre, ressources du sous-sol, espace disponible sont trois ressources essentielles à l'importance de ce que nous appelons la croissance.

Si la main-d'oeuvre est disponible pour un coût modique, ce qui est le cas des sociétés rurales en cours d'industrialisation (la Chine aujourd'hui, l'Italie hier,...), cela constitue un avantage, pourvoyeur d'une croissance parfaitement artificielle qui disparaît dans les sociétés industrielles plus évoluées.

L'accès à des ressources du sous-sol abondantes permet de les utiliser et de les vendre. Cela accroît facilement la richesse du pays qui possède cet atout (l'Angleterre pour le charbon au XVIIIéme siècle, les pays du golfe Persique pour le pétrole aujourd'hui).

Disposer d'un territoire rural, sur lequel on va pouvoir bâtir, étendre les villes, installer des infrastructures de transports et des équipements, au détriment des espaces agricoles, constituent un formidable pourvoyeur de croissance. Construire une autoroute ou un hôpital accroît le P.I.B. du pays, de même que l'augmentation des prix de l'immobilier suscité par la rareté des terrains disponibles.

Par ces trois exemples, nous voulons montrer que la croissance est en grande partie un phénomène artificiel, largement dépendante de ressources limitées (la main-d'oeuvre et les terres agricoles, les produits du sous-sol). Dans les anciens manuels d'économie, on parlait de secteur primaire. Quand celui-ci disparaît, les flux à l'origine du développement économique disparaissent aussi.

Ces règles fondamentales ont été peu à peu oubliées par les économistes d'aujourd'hui. Le secteur "primaire" représente, pour eux, des activités du passé. Or, toutes les périodes et tous les pays qui connaissent une forte croissance ont pu s'appuyer sur ces ressources abondantes.

On en voudra pour preuve la croissance économique actuelle du continent africain. Les pays qui la constituent disposent d'Etats fragiles, d'élites minoritaires et souffrent de corruption. Ils ont pourtant une croissance économique qui nous fait envie! C'est parce qu'ils ont -pour quelque temps encore- ce que nous n'avons plus : une main-d'oeuvre, d'origine rurale, bon marché, des terres disponibles, du minerai et des hydrocarbures.

Le mythe de la croissance est tellement important pour nous que les grandes décisions économiques prises, dans nos pays développés, depuis quatre décennies, ont toujours cherché à retrouver une croissance forte. On a abusé de l'emprunt, pensant que la croissance allait revenir.

Le résultat est là: aujourd'hui nos sociétés sont totalement dépendantes de dettes contractées par les Etats, les entreprises et les ménages. 

Or, cet endettement n'avait de sens que si le retour de la croissance allait permettre de rembourser. Il n'en est rien: ne disposant plus des ressources à l'origine du miracle de la croissance, il est illusoire de penser au retour d'une richesse qui n'arrive qu'une seule fois dans l'histoire d'une Nation.

Ce que nous voulons (dé-)montrer ici, c'est le lien indéfectible, mais devenu invisible, entre la nature et l'économie. 

Revenons sur le terme de secteur primaire, dans l'esprit de nos pédagogues, voulait-il dire qu'il s'agissait d'une économie première ou d'une économie primitive? Le glissement sémantique s'est effectué progressivement jusqu'à la disparition de cette notion.

Dans nos sociétés compliquées, nous avons oublié que la table sur lequel j'écris, le fauteuil dans lequel vous lisez cet article, le liquide que vous buvez pendant cette lecture, proviennent, au départ, de la Nature. Nos activités humaines ont toujours cette origine, et celle-ci a un prix. La rareté croissante diminue l'espoir d'une croissance forte dont nous devons faire le deuil.

La crise économique et la crise écologique ne sont pas deux phénomènes différents, elles sont étroitement entrelacées, elles se combinent et se mêlent en permanence. Notre inconscient de Nature doit devenir une conscience assumée si nous voulons trouver les chemins pour nous sortir ensemble d'une seule crise, crise dont il nous faut bien admettre qu'elle possède deux têtes.

 

  

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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 07:43

raretéressource

 

De la crise économique à la crise écologique

La Crise économique est toujours là. Depuis 2007, elle s'incruste dans nos vies et nos économies. Chacune espère que nous allons bientôt en sortir. Les analystes guettent la sortie, la reprise tant espérée. Et pourtant, elle ne s'arrêtera pas, la reprise ne viendra pas. 

La grande majorité des économistes n'a pas compris la véritable nature du phénomène que nous subissons. Ils nous décrivent une crise financière ayant entraîné une crise des  dettes publiques. Ils nous expliquent maintenant que la récession est devenue générale.

Ce schéma explicatif est celui d'universitaires et de chercheurs ayant une analyse globale et macroéconomique de la situation. Quand ils adoptent un point de vue microéconomique, ils décrivent des entreprises aux carnets de commandes vides, qui attendent le redémarrage en faisant le gros dos.

Alors, pourquoi cela ne repart-t-il pas? Pour le comprendre, il faut adopter le point de vue d'autres acteurs économiques.

Prenons un établissement public, un collège par exemple. Depuis six ans, les comptes de ces organismes sont fortement contraints par les coûts croissants du gaz, du fuel, de l'électricité et de l'eau. Ce que les agents comptables appellent le "chapitre viabilisation" prend une place de plus en plus démesurée (parfois 50 à 70%). Les budgets n'augmentant pas, c'est la part relative à la pédagogie qui ne fait que baisser. Cela a deux conséquences: l'enrichissement des grandes compagnies et des pays qui commercialisent ces ressources, la faiblesse croissante des entreprises souvent locales qui vendent des prestations de sorties pour les élèves et du matériel pédagogique.

Prenons un autre exemple: un jeune ménage qui a acheté ou loué un appartement ou une maison. La demande de logements et les tensions sur le marché immobilier ont entraîné une augmentation importante des prix depuis une quinzaine d'années. Désormais, le logement d'un ménage représente le tiers ou la moitié de son budget. Cette situation s'est aggravée avec l'augmentation des prix de l'énergie. 

Cette part croissante du logement a obligé chaque ménage à faire des économies: elles se font sur les loisirs (vacances, restaurants, culture) et la consommation. Les entreprises locales qui vendent du loisir ou qui produisent et vendent des biens ne verront pas revenir des consommateurs dont les budgets sont fortement impactés durablement par le coût croissant des logements et de l'énergie.

Ces deux exemples peuvent être généralisés. Les entreprises - grandes et petites-, les administrations et les particuliers: tout le monde est confronté aux coûts croissants de ces ressources.

En impactant les budgets de chaque acteur économique, l'augmentation du prix des ressources interdit toute reprise économique conséquente. Elle plombe durablement les possibilités d'investissements, la capacité à consommer et entraîne augmentation des impôts et perte de confiance sur l'avenir.

Il n'y a aucune raison que ces phénomènes s'arrêtent, il n'y a pas à rechercher de reprise dans ces secteurs. L'augmentation des prix de l'immobilier et de l'énergie sont des phénomènes durables. Cela s'est fait brutalement et cela va durer longtemps car, globalement, l'offre de ces biens ne peut plus répondre à la demande.

Le phénomène doit être appréhendé d'une manière globale. Les ressources nécessaires au fonctionnement d'une économie -les terrains constructibles, les hydrocarbures, l'eau potable, ... - sont de plus en plus rares. La tension entre une demande croissante et une offre stable ou déclinante ne cesse de croître.

Les processus en cours proviennent donc d'une crise qu'il faut qualifier d'écologique. Cette crise trouve ses racines dans l'insuffisance croissante et durable des ressources nécessaires au fonctionnement d'une économie.

Les origines de la crise actuelle sont d'ailleurs fortement imprégnées de la crise écologique des ressources. La crise des subprimes de 2007 naît pendant une période d'augmentation des prix de l'immobilier aux Etats-unis. Les subprimes ont été "inventé" pour trouver des ressources financières pour les Américains impécunieux. Cela s'est produit dans une période d'augmentation importante des prix des hydrocarbures et de l'alimentation sur le marché mondial.

 

La plupart des économistes sont confiants car, dans l'histoire de l'Humanité, chaque récession a été suivi d'une reprise économique. Ils ont tort. Ils n'ont pas compris la véritable nature de la crise que nous venons de rencontrer. Il s'agit d'une crise durable des ressources nécessaires au fonctionnement d'une économie développée. Il s'agit d'une crise d'un genre nouveau qu'il faut appeler crise écologique.

 

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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 10:30

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Dans une interview sur Arte, la semaine dernière, interrogé sur la faiblesse politique des Verts au gouvernement, Nicolas Hulot a répondu, avec pertinence, que c'était les autres partis politiques qui étaient dans l'impuissance car ils n'avaient pas encore compris les mutations écologiques indispensables que nous devons réaliser. Comment expliquer cette cécité des partis politiques traditionnels? 

On trouve des réponses à cette question en lisant l'édifiant portrait que réalise le Nouvel Observateur N°2508 à propos d'un certain Paul Boury.

Ce monsieur, gagnant 300000 euros par an fait la sieste tous les jours (le "travailler plus pour gagner plus" est bien loin), possède son propre cabinet de psychanalyste et une entreprise toute particulière "Boury Tallon & associés", entreprise qui organise des clubs pour le compte d'entreprises désireuses de tisser des liens avec le monde parlementaire.

Bref, monsieur Boury est un patron qui a développé "une pratique transparente du lobbying", une jolie expression pour expliquer que, si c'est la classe moyenne qui a élu les socialistes, ce n'est plus avec elle que converse nos ministres et notre président. Les membres du gouvernement  reçoivent et écoutent des patrons et des énarques qui "savent" et sont des gens "raisonnables", essentiellement des hommes, peu de femmes, des gens qui gagnent plus de 100000 euros par mois, franchissent rarement le périphérique, sauf pour prendre l'avion. 

Ces personnes habitent Paris, la capitale, intra-muros et s'ils ont une résidence ailleurs, c'est toujours une résidence secondaire. Les élites de Marseille ou de Lyon, ou d'ailleurs, n'en font pas partie.

Paul Boury se prétend "ni de droite, ni de gauche", mais roule en coupé Mercedes. Son carnet d'adresses composé de patrons et d'élus ne doit pas contenir beaucoup de noms à partager avec mon propre carnet d'adresses ou avec le vôtre, cher lecteur.

Bref, on aura compris que ce monsieur est un pourvoyeur d'endogamie. On reste entre nous -patrons du CAC40, énarques, personnel politique-, tous Parisiens.

Dans ces conditions, il est vraiment difficile de renouveler la pensée et la vision politique. La majorité politique a changé mais les mêmes journalistes croisent les mêmes élites chez Laurent ou chez Ledoyen, ces élégantes cantines du Paris des affaires et de la politique.

 Si on veut avoir une nouvelle preuve de cette endogamie mortifère, on la trouvera dans la composition du comité de pilotage du débat sur la transition énergétique. Certes, on y trouvera deux sérieux scientifiques (Jean Jouzel et Laurence Tubiana) et un ex-directeur de Greenpeace (Bruno Rebelle) mais on y trouve aussi trois ex-grands patrons (Michel Rollier, Georges Mercadal et Anne Lauvergeon) qui ont travaillé dans l'ancienne économie dans les secteurs de l'automobile, des routes et du nucléaire, des industries de l'avant-transition! 

Des personnes qui connaissent le monde de la Grande entreprise mais pour lesquels les PME, les artisans et le secteur public, sont inconnus. Toutes ces activités qui font la vie économique et collective du pays, qui représentent l'économie réelle et qui paient la majorité des impôts du pays.

On peut aussi s'inquiéter de l'absence de Négawatt, qui est pourtant la seule structure française a avoir mené une réflexion de longue haleine sur cette question cruciale et très technique de la transition. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir mis dans ce comité, le président de Négawatt, Thierry Salomon?

Probablement parce que Négawatt est une structure provinciale.  Il faut donc conseiller à son président de rencontrer de toute urgence Paul Boury !

 

Conclusion: Dans la même interview, Hulot  explique qu'il ne suffit plus aujourd'hui d'expliquer pourquoi il faut réaliser cette transition mais qu'il est nécessaire de décrire comment on va la faire. Moi qui réfléchis depuis des années au rôle de la fiscalité environnementale dans cette transition, je suis bien entendu d'accord avec lui.

Mais Paul Boury me fait comprendre que cela ne suffira pas. L'écologie, elle aussi, a besoin de lobbying, de types capables  de convaincre nos élites que l'ancienne économie est à jeter de toute urgence, que la transition écologique est la seule voie possible pour sortir de notre interminable crise économique.

 

 

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28 octobre 2012 7 28 /10 /octobre /2012 07:24

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Dans nos sociétés complexes où l'information circule en flot continu, on peut observer ce fait indéniable : il n'y a aucun rapport, aucun lien entre le développement durable et la crise économique.

 

La crise économique est un sujet récurrent dans les médias depuis 2008: elle (pré)occupe le personnel politique, les médias, les économistes et les citoyens qui en entendent parler tous les jours. Crise des subprimes, crise de la dette, chômage croissant, ralentissement dans les pays émergents, elle est partout, sous des formes diverses. 

Les intellectuels tentent de l'analyser avec les grilles du passé: crise de 29, crise de 73, déclin de l'Empire romain. Le consommateur et le chômeur font le dos rond en attendant qu'elle passe. Le journaliste et l'expert guette la reprise. Car, la crise est, par définition, cyclique. Elle est condamnée à disparaître. Chacun attend sa fin. Chacun guette le taux de croissance, le seul indicateur important.

Personne ne fait le lien entre la crise et le développement durable. Il s'agit de deux mondes, deux champs de réflexion qui n'ont rien à voir. 

 

Le développement durable est un sujet qui préoccupe moins de gens: les géographes et les écologistes essentiellement. Elle est pourtant dans les programmes scolaires de tous les collégiens et lycéens de France. Dans les manuels de géographie et dans les livres qui lui sont consacrés, on parle de biodiversité, du cycle de l'eau, de l'avenir énergétique. On y réfléchit à la préservation des ressources, à la satisfaction des besoins des populations. On cherche les liens entre société, économie et environnement.

Le développement durable suppose de prendre de la hauteur par rapport aux convulsions du monde, de regarder la planète du haut d'un hélicoptère, comme le fait Yann Arthus-Bertrand, de scruter l'évolution des paysages. Le développement durable regarde vers l'avenir. Il tourne le dos aux crises actuelles et imagine un monde meilleur à l'échelle des décennies à venir.

 

Les deux concepts, les deux réflexions évoluent chacune de leur côté, sans jamais se joindre, comme si le développement durable n'avait rien à voir avec le taux de croissance, comme si la crise économique était un phénomène sans aucun rapport avec l'idée de développement. 

Deux systèmes de pensée, dominés pour l'un par les économistes, pour l'autre par les géographes. Deux manières de regarder notre monde et notre planète. Deux mondes qui s'ignorent.

 

Et pourtant, dans les raisonnements des uns et des autres, le lien -ténu- est là: les économistes évoquent le coût croissant des ressources comme un facteur explicatif -parmi d'autres-. Le développement durable considère l'économie comme un champ d'analyse en interrelation avec d'autres champs de réflexion.

 

Personne ne fait cependant un lien direct, n'esquisse une relation analogique entre ces deux univers. Personne ne voit la crise actuelle comme un échec du développement durable. Personne ne cherche à comprendre le lien puissant entre l'offre déclinante de multiples ressources et la demande croissante de ces mêmes ressources. Personne n'envisage le ralentissement généralisé de l'économie mondiale, la crise durable que nous vivons comme un processus qui puisse avoir ses racines dans les tensions qui -partout- augmentent sur la planète entre des ressources insuffisantes pour des populations en demande de consommation.

La récession s'étend, le ralentissement économique se généralise. Et ce processus en cours n'est que le premier écho d'un échec d'un développement durable espéré. La crise sera durable. Les économistes, aveuglés par le décollage économique des pays émergents depuis une décennie,  ne le voient pas.  

Les acteurs du système économique sont préoccupés par l'évolution des profits et des richesses. L'argent guide leur décision. Ils ne voient pas, ils ne voient plus que le monde est fait aussi de paysages et ressources matérielles et naturelles. Ils n'observent plus les transformations inexorables des paysages qu'ils parcourent tous les jours. Ils ne font pas de lien entre la baisse tendancielle des profits depuis 30 ans, accentués durablement depuis la crise de 2008, et la dégradation anthropique de l'environnement dans lequel ils vivent.

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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 15:36

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Dans le dernier numéro d'Alternatives économiques, Joseph Stiglitz affirme "la raison fondamentale de la montée du chômage est l'insuffisance de la demande... Le plein-emploi est compatible avec la mondialisation". Ainsi, le "pape" du néo-keynésianisme croit dur comme fer qu'il suffira de revoir la répartition des richesses pour retrouver croissance et plein-emploi!

 

Joseph Stiglitz, prix Nobel, est un des penseurs économiques les plus éminents de la gauche. Et pourtant, ses propos et son raisonnement oublient totalement les problèmes écologiques.  

Sa démarche néglige complètement la notion d'empreinte écologique qui nous fait consommer les ressources d'une planète et demie par an,  qui nous fait vivre à crédit d'une planète que l'on épuise méthodiquement et radicalement. 

 

Voir un intellectuel aussi brillant que Stiglitz raisonner à vide, sur ces questions, est navrant. Comme si un concept aussi important que la rareté -pourtant essentielle dans la pensée économique- la rareté des ressources précisément, pouvait être oubliée, considéré comme déconnecté de la réalité économique.

Cela fait maintenant plus de 30 ans,  Edgar Morin popularisait la notion de pensée complexe. En 1906, l'économiste Pareto inventait la théorie systémique. Et pourtant, un des plus brillants intellectuels de notre temps raisonne dans un système de pensée fermée qui oublie que l'économie est connectée à une planète et à des ressources non renouvelables.

 

Cet état désolant de la pensée intellectuelle n'est que le reflet de l'opinion publique dans lequel nous vivons. Partout, dans les ouvrages et les médias, on sépare l'économie et la politique -sérieuses, éminemment sérieuses- de l'écologie et de la nature -plus futile et moins importante-.

Les journalistes les plus éclairés commencent à nous parler d'une "crise écologique" qui chemine parallèlement à la "vraie" crise économique. Mais personne ne semble se donner la peine de faire la connexion entre les deux. 

Il faudra bien pourtant que les intellectuels et les décideurs comprennent que ces deux crises n'en forment en réalité qu'une seule.

Si la crise économique est si profonde, si elle ne cesse de s'étendre à l'ensemble du monde, y compris aux nouvelles puissances économiques émergentes, si nous n'arrivons pas à la surmonter, c'est bien parce que cette crise est absolument inédite.

Elle n'est pas fondamentalement une crise cyclique de plus, mais une crise profondément ancrée dans un problème crucial: nous avons atteint les limites des ressources  de la planète Terre. L'abondance est terminée. 

Dans tous les domaines, les ressources deviennent rares et donc chères. Ces coûts croissants épuisent les économies de tous les pays. Les emprunts, pensés comme des leviers pour échapper provisoirement à l'atonie, ont approfondi ce ralentissement. 

La crise révèle le coût croissant de multiples ressources : logements, terrains constructibles, matériaux, produits alimentaires. Nous consommons et gaspillons trop de ressources pour pouvoir relancer l'économie et  l'activité. 

Le chômage n'est que le reflet de cette crise fondamentale économique ET écologique: les ressources rares ne peuvent pas permettre une activité abondante. Le travail devient lui aussi plus difficile à trouver et à multiplier.

 

En 2007, le cercle des économistes et Erik Orsenna écrivait un ouvrage intitulé "un monde de ressources rares". Le titre était prometteur mais le contenu était décevant: les économistes classiques, qui l'ont écrit, ont eu une intuition fulgurante mais n'ont imaginé  que des solutions orthodoxes: réorganiser la gouvernance mondiale, innover et diffuser la connaissance, ... et autres solutions banalement classiques et déjà vues. Il nous faudra d'autres innovations inventives et audacieuses si nous voulons trouver de véritables solutions à la crise économique et écologique mondiale.

 

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