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21 novembre 2015 6 21 /11 /novembre /2015 07:51
La radicalisation a pour moteur le désespoir de la jeunesse

Le temps de deuil passé, nous sommes entrés dans une phase d'interrogations. Nous voulons comprendre, nous voulons nous donner les moyens de ne plus vivre, à l'avenir, la violence qui nous a envahi. Il nous faut dépasser la haine qui monte naturellement en nous pour aller chercher les ressources pour construire un monde de demain, celui de nos enfants, où nous allons extirper cette fureur du mal qui nous a débordé.

Pour comprendre, un des textes les plus éclairants que j'ai pu lire cette semaine est l'interview que le philosophie Bernard Stiegler a donné au journal le Monde. Que dit Bernard Stiegler? Il explique que la radicalisation ne se développe pas grâce à la religion, que celle-ci n'est qu'un prétexte. Pour lui, c'est le manque d'espoir, de projet politique porteur qui est le moteur de la radicalisation. Ainsi, nous pensons tous que Daech fabrique des kamikazes par un long travail de lobotomisation. Il n'en est rien: les candidats se bousculent. Et Daech procède tranquillement à une sélection des "meilleurs" candidats qui veulent en finir avec leur désespoir en se sacrifiant.

C'est ce qu'explique Fathi Benslama, professeur de psychopathologie, dans ses nombreux ouvrages, dont le dernier s'intitule La Guerre des subjectivité dans l'Islam (Lignes, 2014).

Ses analyses sont rejoints par mes propres expériences professionnelles. Enseignant puis chef d'établissement, pendant 25 ans, dans les quartiers nord de Marseille, j'ai reçu en entretien et travaillé avec de nombreux jeunes révoltés, dont une partie avaient le profil pour se radicaliser.

Deux profils me semblent propices à ce processus de radicalisation:

-l'adolescent totalement perdu sur son identité réel. Long passage de l'enfance à l'âge adulte, l'adolescence ne permet pas au jeune de se construire quand les repères familiaux sont fragiles: absence total de père, mère élevant seule ses enfants dans une totale immaturité, ou, au contraire, autoritarisme rigidifié d'une famille, qui empêche toute libération et construction individuelle. Si cette fragilité rencontre un processus de manipulation sectaire, alors le jeune est réceptif à cette "libération" que lui offre la secte. C'est ce qui explique le succès de Daech sur des jeunes issus de familles d'origine européenne, plutôt favorisés, qui constituent une partie des bataillons de l'organisation terroriste.

-l'adolescent issu de l'immigration dont le processus de construction identitaire a été perturbé par l'enfermement d'une jeunesse des quartiers qui ne voit aucun espoir d'intégration républicaine et économique à tenir les murs des cités. Le processus de radicalisation prend alors souvent la voie de la petite délinquance qui, de révolte en déception, finit par trouver le chemin de la "délivrance" par le sacrifice qu'offre Daech. C'est de ce profil que sont issus les kamikazes français qui sont revenus sur le territoire de leur pays pour détruire une France qui n'a pas su répondre à leur attente. Ils ont transformé leur échec d'intégration en violence politique. Ce n'est donc pas l'école, comme on l'a souvent dit, qui a raté son travail d'intégration mais plutôt une société et un système économique qui n'offrent aucun espoir de travail à une partie de notre jeunesse qui se désespère et dont les plus radicaux finissent par décider d'en finir avec la vie en détruisant le cocon qui les a vu grandir.

Il existe un troisième profil que Daech utilise pour alimenter ses bataillons de soldats. C'est celui des désespérés du Sud, qui viennent le rejoindre. Il se trouve que, là aussi, mes expériences professionnelles m'ont fait connaître cette population. J'ai en effet travaillé, au milieu des années 80, dans un terroir rural du nord Cameroun, dans une région où la cousine de Daech, Boko Haram a su prospérer. Là encore, on traite Boko Haram de secte, mais il s'agit plutôt d'une organisation terroriste qui réunit les populations désespérés par un Sahel que les hommes ont détruit. Dans la zone où je travaillais, les agriculteurs défrichaient 1000 hectares par an de savane pour installer des champs de coton, cultivés de manière intensive, dont les agronomes prédisaient la stérilisation rapide. Cette zone est maintenant perdue pour l'agriculture. Ceux sont les enfants des paysans que j'ai connu qui, n'ayant plus d'espoir devant une terre stérile, prennent les armes et se révoltent. J'ai décris, dans un article précédent, les origines du terrorisme islamique, comment l'implantation des organisations terroristes, autour de Daech, recoupe assez fidèlement celle des zones désertiques du globe. Ce n'est pas un hasard.

Alors, face à ce désespoir des damnées de la terre et d'une adolescence sans perspective, il nous faut, de toute urgence, inventer des solutions innovantes et construire un récit d'espoir pour le futur d'une jeunesse qui risque de préférer le suicide aux incertitudes de son avenir.

C'est le sujet du livre que je viens d'écrire, et que je vous recommande, si vous avez aimé cet article. L'espoir ne reviendra que dans un monde plus vert, une société plus durable où l'économie permettra de proposer du travail à notre jeunesse. Car on existe que si on est utile socialement.

A lire: l'écologie au secours de l'économie, inventer les outils d'une nouvelle prospérité.

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commentaires

D
Bonjour <br /> Il me semble qu'un autre aspect peut avoir de l'importance dans ce qui peut motiver un individu en colère, désabusé, désœuvré, décontenancé, et manipulé, c'est l'injustice ressenti au sujet des interventions de pays tiers dans des pays déjà en proie à des difficultés majeures, interventions motivées par des objectifs manipulateurs et intéressés, la déstabilisation de zones géopolitiquement sensibles, pour des raisons calculées et des buts d'influences politico/economico/industriels peut faire le lit d'un sentiment et d'une volonté de vengeance, dont les cibles deviennent alors reconnaissables et identifiables. La France, à mon grand dam, est à juste titre sur cette liste indigne des pays qui abusent de l'interventionnisme ciblé et intéressé, soit directement soit indirectement sous l'égide des États-Unis, cet aspect là de l'histoire mérite d'être pesé objectivement et sereinement.
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D
Loin de moi l'idée d'établir une généralisation à la jeunesse française, mais force est de constater que pour quelques cas particuliers,<br /> y compris issus de la jeunesse française, mais c'est aussi le cas d'autre pays visiblement, la Belgique en est témoin, il peut y avoir une identification par projection à des souffrances appelant réparations, ces sentiments venant s'ajouter à quantité d'autres facteurs.
C
Oui, Daniel, cet argument se tient. <br /> Je pense particulièrement aux erreurs des Etats-Unis en Irak qui en débauchant les 200 000 soldats sunnites de l'armée irakienne et en leur laissant les armes, a permis la naissance des bataillons qui viendront alimenter la création de Daech.<br /> On sait aussi que les bombardements aveugles (ils le sont toujours) soudent les populations. N'oublions pas comment les Londoniens ont développé leur esprit de résistance dans les deuils des bombardements de 1940.<br /> Là ou je te rejoins pas Daniel, c'est dans le rôle que cela joue pour la jeunesse française qui est bien loin de ces considérations géopolitiques et qui se regarde plutôt grandir.