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Twitter : @Rcoutouly

Il faut demander plus à l'impôt

et moins aux contribuables

 

Alphonse Allais

 

Outil fiscal

Les contributions incitatives sont des micro-taxes payées sur les activités polluantes. L'argent récolté permet aux plus démunies d'investir dans les transitions écologiques et énergétiques. 

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Un résumé de la pensée de l'auteur sur la crise écologique 
25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 15:42

Pierre Borie est un fidèle lecteur de Fiscalité environnementale. Il est aussi Expert comptable, membre de la commission développement durable de sa profession. Il développe ici, pour nous, le concept de comptabilité environnementale. Cet article sera suivi d'une interview de Pierre Borie et d'un échange de point de vue entre lui et moi. Bonne lecture,

Rodrigue Coutouly

 

La comptabilité environnementale est une technique pour mesurer le coût que les entreprises font subir à l'environnement, leur permettre d'en faire état dans leurs comptes annuels, et communiquer à ce sujet auprès des tiers, qu'on appelle les "parties prenantes" lorsque l'on traite de la "responsabilité sociale des entreprises" (RSE). J'y ajoute une fonction supplémentaire, trop ignorée jusqu'ici, qui consiste à servir de base pour une fiscalité environnementale"

 

"La notion de comptabilité environnementale est ancienne, puisqu'il s'agit notamment de traiter les "externalités", cette consommation de biens collectifs dont les entreprises usent et abusent gratuitement, notion mise en évidence à la fin du 19 ème siècle. C'est dans les années 1970 que le concept prend forme et se précise, sous la pression des parties prenantes, qu'elles soient internes (employés, gouvernance) ou externe (actionnaires, fournisseurs, clients, pouvoirs publics, banquiers, groupes de pression, public ...) à l'entreprise." 

 

"Avec l'évolution progressive des mentalités depuis les années 1950, et les contraintes légales venues avec cette prise de conscience, les entreprises les plus importantes ont développé des méthodes pour évaluer leurs performances environnementales, tant pour leur usage interne que pour leur communication externe." 

 

"Il y a plusieurs manières de mesurer les coûts environnementaux et tenter de les réduire : selon que l'on cherche à optimiser les processus de fabrication de bout en bout, à intégrer les coûts environnementaux par activités, à comptabiliser l'ensemble des coûts, qu'ils soient internes ou externes à l'entreprise, à les appréhender tout au long du cycle de vie du produit, on procède différemment, avec des résultats qui ne se recoupent évidemment pas. Tout cela conduit  à des pratiques assez disparates, parfois normalisées au plan international, mais le plus souvent laissées au libre choix des entreprises. Elles se heurtent même à des difficultés comptables classiques, comme d'avoir à choisir entre immobiliser une dépense environnementale ou à la passer en charge, à provisionner ou pas un passif environnemental éventuel." 

 

"Si les méthodes diffèrent d'une entreprise à l'autre, au point de rendre hasardeuses les comparaisons, il n'en demeure pas moins que les besoins sont aujourd'hui assez bien reconnus, et que l'on voit souvent utilisés maintenant des indicateurs de performance environnementale (IPE).  Depuis le Grenelle 2 de l'environnement, le champ d'application de la comptabilité environnementale n'est plus cantonné aux grandes entreprises cotées, mais s'élargit aux PME, d'une taille encore cependant assez significative."

 

 

"En réalité, on assiste à un clivage environnemental dans notre tissu d'entreprises : celles qui remplissent les conditions pour être astreintes à communiquer sur leurs performances, et les autres, comme s'il était politiquement incorrect d'avoir à leur demander des comptes. Il y a quelque hypocrisie à prétendre exonérer les petites entreprises à toute obligation en la matière, et demander aux autres d'intégrer par exemple le marché des quotas d'émissions de gaz à effet de serre, tout en voulant imposer à tout un chacun de payer une taxe carbone indépendamment des efforts qu'il peut faire pour réduire sa consommation. "

 

"On peut comprendre la comptabilité environnementale comme un moyen pour les grandes entreprises de devenir moins gourmandes d'externalités, et considérer les autres comme peu concernées par le problème. C'est comme cela que c'est envisagé aujourd'hui."

 

"Mais on peut aussi vouloir faire en sorte que tous les agents économiques - ménages et entreprises- soient impliqués dans ce qui une cause d'intérêt public. Alors tous devraient payer en proportion de la pollution réelle dont il serait responsable (c'est le principe du "pollueur-payeur"), et alors seule une comptabilité environnementale généralisée à toutes les entreprises, y compris les plus petites, permettrait de mesurer exactement le poids des externalités consommées jusqu'à la vente au consommateur final. La comptabilité n'est pas seulement un outil de décision et de communication pour les entrepreneurs, à finalité micro-économique ; c'est aussi un instrument de politique économique et fiscale indispensable aux pouvoirs publics, dont la précision garanti l'égalité des citoyens devant l'impôt. Lorsque l'on parle de "changer de paradigme économique" en introduisant des considérations environnementales dans les processus décisionnaires, on ne peut pas le faire dans l'arbitraire, mais avec des cadrans sous les yeux. C'est au comptable d'éclairer le pilote, pas au lobbyiste. "

 

"C'est la comptabilité environnementale, ou "comptabilité verte", qui doit donner la base de calcul des futures taxes environnementales qu'il nous faudra bien payer un jour, à la fois pour dissuader les pollueurs et pour réparer leurs dégâts sur notre environnement. Ainsi conçue, la comptabilité environnementale aurait un rôle tout à fait différent de celui qui lui est assigné actuellement, avec une finalité plus analytique que fiscale. C'est à une révolution comportementale que nous devons nous préparer. Il sera plus difficile de convaincre les usagers que de définir les moyens à mettre en œuvre. Ceux-ci, les professionnels de la comptabilité sauront les mettre au point et les tester avec l'aide des pouvoirs publics. Le résultat bouleversera les équilibres actuels entre secteurs d'activité et entre intervenants à l'intérieur de chacun d'eux, et des leviers de boucliers se dresseront. Mais si l'intérêt des générations futures l'exige, on ne voit pas au nom de quoi on pourrait renoncer. Il faudra du temps, certes, procéder par étape, avec pédagogie, en concertation avec nos voisins, mais il faudra que cela devienne obligatoire pour tous, pour ce que cela soit."

 

" Recevoir la comptabilité environnementale comme l'outil nécessaire à une fiscalité verte, ne suffit pas : il faut aussi que les règles fiscales soient pertinentes. Il ne suffit pas de proposer d'augmenter les taux de TVA, de créer des taux "éco-modulables" pour verdir une politique : il faut commencer par réfléchir à ce que l'on veut faire avec quoi, s'assurer que les moyens sont cohérents avec les objectifs. Cela renvoie à la problématique, par exemple, de la taxe carbone, et du poids respectif des différentes formes d'impôt."      

Pierre Borie

 

 

 

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