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Twitter : @Rcoutouly

Il faut demander plus à l'impôt

et moins aux contribuables

 

Alphonse Allais

 

Outil fiscal

Les contributions incitatives sont des micro-taxes payées sur les activités polluantes. L'argent récolté permet aux plus démunies d'investir dans les transitions écologiques et énergétiques. 

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Un résumé de la pensée de l'auteur sur la crise écologique 
25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 10:30

 

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Alors que les pilotes de l'avion européen tentent désespérément d'éviter le crash fatal, certains se penchent déjà sur les moyens de faire redécoller l'aéronef et son équipage. Comment éviter les erreurs du passé récent? Comment faire repartir la machine? Petite revue de quelques ouvrages et propositions récentes qui ont en commun de critiquer vertement les excès du capitalisme mais cherchent, de manière différente, des solutions.

 

Philippe Aghion vient de publier, avec Alexandra Roulet, "repenser l'Etat, pour une social-démocratie de l'innovation". C'est, des trois ouvrages que nous présentons ici, celui dont le propos se révèle le moins original. Certes, les auteurs critiquent les politiques keynésiennes qui nous ont menées dans le mur, misant sur l'augmentation indiscriminée de la dépense publique pour relancer la croissance par la demande. 

Mais une fois cette critique posée, évidente dans le contexte actuel, les propositions restent bien décevante : la solution serait dans le choix des "bons" investissements. Certes, on ne peut qu'être d'accord pour promouvoir une économie de la connaissance. Mais choisir comme seconde priorité la politique industrielle, en proposant de protéger les petites entreprises contre les risques de la mondialisation, semble d'une grande banalité : faute d'avoir analyser, avec précision et pertinence, les raisons du crash actuel, Aghion répète des antiennes du discours classique de la gauche et fait le contraire de l'esprit d'innovation qu'il prône.

 

L'historien Pierre Rosanvallon, avec son dernier ouvrage, "la société des égaux" mène, de son côté, une stimulante réflexion. Il revendique l'importance du vivre ensemble. "Produire du commun" signifie redonner tout son sens à l'impôt sur le revenu, pilier de la réussite de nos sociétés au XXéme siècle. 

Si Pierre Rosanvallon propose de revenir aux "fondamentaux" de la gauche, comme on dit dans le rugby, il semble avoir des difficultés à préciser les réponses concrètes à trouver. Son propos souffre des mêmes faiblesses que celui d'Aghion: on fait référence  aux valeurs de la gauche, on tire à boulet rouge et à juste titre, sur le massacre perpétré par le libéralisme triomphant, mais on a bien du mal à sortir du constat pour se projeter vers l'avenir, ce qui semble bien normal pour un historien tourné professionnellement vers le passé.

 

Finalement, les propos du philosophe Jean-Claude Michéa, auteur du "complexe d'Orphée, la gauche et les gens ordinaires et la religion du progrès" se révèlent plus stimulants et plus originaux.

Michéa prolonge la réflexion de Rosanvallon sur la perte du sens commun et du collectif. Le développement infini du marché menace de détruire de façon irréversible les valeurs communes dont personne ne songeait auparavant à questionner l'évidence. Quand les catégorisations philosophiques "de bon sens", qui fondent notre société, commencent à être perçues comme de pures constructions arbitraires et discriminatoires, il n'y a plus de limites et de repères. A une époque où la croissance économique illimitée est condamnée à épuiser nos ressources naturelles, cette  "extension sans fin du droit de chacun à satisfaire ses moindres lubies personnelles" menace la  survie même de nos sociétés. 

Au-delà de cette analyse, Michéa prolonge sa réflexion en s'attaquant à l'idée centrale, chez les gens de gauche, de progrès. Il revisite le complexe d'Orphée pour montrer que l'idée que quelque chose ait pu aller mieux dans le monde d'avant semble impossible à accepter.

Dès lors, ce mythe fondateur du progrès interdit toute projection différente et innovante dans l'avenir. En enfermant celui-ci dans un mystérieux sens de l'histoire construit autour de la croissance et du toujours plus, l'homme de gauche se condamne  à n'envisager le futur que comme une reproduction des combats du passé.

On voit bien ici où pêchent Rosanvallon et Aghion : en se focalisant sur les refrains des réussites de la gauche du XXéme siècle, ils tentent de faire revivre les fantômes des combats anciens qui ont permis de construire nos solidarités collectives.

Qu'il fasse les réactiver semble bien utile, mais ils ne suffiront pas pour combattre les menaces multiples qui nous assaillent. Il faudra trouver d'autres alliés si nous voulons vaincre à la fois la crise financière actuelle mais aussi les nombreux et variés dangers  environnementaux et économiques qui s'accumulent à l'horizon.

 

 

 

Pour ma part, et d'une manière résolument concrète, je cherche des solutions pratiques qui permettent, à la fois de retrouver ces valeurs fondamentales du vivre ensemble et de la solidarité collectif, et aussi de tenir compte des enjeux complexes de notre XXIéme siècle.

Par exemple, je ne crois pas que le retour et le renforcement de notre bon vieux impôt sur le revenu soit la solution miracle. Construit au coeur d'Etat-nations protégés par leurs frontières, l'impôt sur le revenu était, d'évidence, un outil de redistribution de la richesse.

La mondialisation l'a affaiblie. Il faut certes le défendre mais aussi chercher d'autres démarches fiscales qui permettent aux pauvres de bénéficier de la richesse des riches.

Par exemple, en taxant les propriétaires de logements énergivores pour financer leurs reconstructions, on crée une redistribution de fait qui favorise les locataires et les petits propriétaires faiblement argentés.

La lutte contre l'individualisme triomphant nécessite aussi une taxation des libertés individuelles quand celles-ci s'opposent à l'intérêt collectif. On ne peut pas interdire les 4x4, mais on peut les taxer lourdement et on peut utiliser cet argent pour développer des transports individuels et collectifs, faiblement polluants, au service du plus grand nombre.  

Tel est le but du site innovation politique/fiscalité environnementale, recenser et imaginer les méthodes et les recettes qui vont permettre à des gouvernements responsables de construire des politiques volontaristes au service du vivre ensemble et de la solidarité.

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 22:13

Après deux articles de Pierre Borie consacrés à la comptabilité environnementale, débat entre lui et moi sur ces questions.  Merci à lui pour ses apports stimulants et les perspectives ouvertes par cette approche complémentaire à la réflexion sur la fiscalité environnementale.

 

 

 

1-Interrogations:

Rodrigue Coutouly: Même si je m'intéresse à la fiscalité environnementale depuis des années, je n'ai pas de compétences comptables. Mon opinion est donc celle d'un néophyte, comme la majorité du personnel politique qu'il faudra convaincre de l'intérêt de cette réforme.

Je suis bien entendu très intéressé, convaincu par la nécessité de sa mise en place si l'on veut instaurer une véritable fiscalité environnementale.

J'ai cependant des réticences, des réserves et des questions.

Vu de l'extérieur, cela semble insurmontable à mettre en place

 

 Pierre Borie: Il faut faire confiance à la société civile, aux hommes de l’art, peu suspects de chercher à défendre des privilèges. Il s’agit moins, pour la profession comptable, de s’occuper de son fonds de commerce, que de rechercher le bien commun : c’est une question d’éthique, sous-jacente à son code des devoirs professionnels.

 

Rodrigue Coutouly: On imagine les difficultés et les résistances pour les P.M.E. 


Pierre Borie:  Donc, commencer par de la pédagogie, notamment auprès des TPE. 


2-Techiques:

Rodrigue Coutouly: On peut aussi le voir comme une simple colonne de plus dans la comptabilité. Mais qui viendra doubler la colonne "argent": pour chaque ligne, il y a deux comptes : compter le CO2 émis, compter l'argent. Et le premier ne se compte pas aussi facilement que l'euro ! Il faut d'autres outils et d'autres compétences.

 

Pierre Borie:  C’est du b-a ba pour un comptable, pas plus difficile que de comptabiliser de la TVA. Voici, grosso modo comment cela pourrait se faire :

 

Soit une entreprise avec un CA HT de 1.000.000 €, qui incorpore 10 tonnes de CO² (poids tout à fait arbitraire) dans sa production de biens ou de services. Elle peut choisir de répartir cela entre les produits plus spécialement concernés, ou bien elle considère que chaque € de CA est concerné de la même manière, ce qui représenterait 1 gr pour chacun.

 

Si la tonne de CO² est valorisée 100 €, chaque € de CA supportera une charge carbone de 0,001 € [(10 x 100 € ): 1.000.000).

 

Une facture de 1.000 € HT se présentera ainsi : 

- Montant HT du bien ou service vendu = 1.000,00 €

- TVA collectée auprès du client :   196,00

- Charge de CO² incluse       1,00

- Dû par le client :          1.197,00 TTC

 

La question revient donc à dénombrer dans cette entreprise les 10 tonnes en cause : il s’agira de cumuler tous les grammes facturés par les fournisseurs, éventuellement forfaitairement selon un taux dissuasif pour les factures non-conformes, et à incorporer le carbone présent dans l’outil de travail de l’entreprise (stock présent au moment du démarrage du processus, tranport du personnel, outils et bâtiments d’exploitation…). Ce n’est pas une tâche dissuasive ni disproportionnée, si l’on communique aux entreprises des grilles d’évaluation cohérentes (ce devrait être le rôle de l’ADEME). Cela représente une ligne de plus dans la comptabilisation de chaque facture, et un travail de conseil et de contrôle de la part des experts comptables et commissaires aux comptes pour organiser leurs clients, et attester de la régularité et de la sincérité des comptes (comme pour les bases de TVA !).

 

3-Urgences:

 Rodrigue Coutouly: Cette complexité me semble assez peu compatible avec l'urgence de la mise en place de réformes nécessaires pour changer rapidement (le réchauffement et la fin du pétrole sont des échéances redoutables).

La comptabilité environnementale  sera un outil formidable dans une société durable stabilisée. Mais est-ce l'outil pour amorcer un virage rapide?

 

Pierre Borie:  L’urgence ne doit pas être un prétexte pour mettre en place un système qui ne soit pas suffisamment réfléchi ni débattu démocratiquement. On a vu ce qu’à donné la taxe carbone décidée ex-cathédra par notre Président en 2009. D’autant plus que cette réforme, par l’ampleur des bouleversements qu’elle est censée produire, peut être qualifiée de proprement révolutionnaire, et qu’elle intéresse tout autant les pays avec lesquels nous échangeons. 

 

Rodrigue Coutouly: Je pense qu'une fiscalité environnementale efficace immédiatement doit s'intéresser au produit final, déjà complexe à analyser plutôt qu' à l'analyse de l'intérieur de l'entreprise, cela viendra ensuite.


Pierre Borie:  Je crains que les contributions incitatives auxquelles vous pensez subissent le même sort que les actuelles taxes environnementales, nombreuses et de piètre rapport, dont le Conseil des Impôts lui-même reconnaît les limites. Ou, en mettant les choses au pire, comme la vignette dont on sait bien qu’elle n’a jamais servi l’objectif qui lui était assigné.

 

4-Internationales:

Pierre Borie: "Ce préalable est, à mon avis, moins une question technique à traiter qu’une volonté politique à affirmer. Lorsque surtout, les pouvoirs publics seront convaincus que les engagements internationaux pris par notre pays, ainsi que les objectifs affichés lors des Grenelle 1 & 2 de l'environnement, obligent à prendre des mesures qui permettent une fiscalité environnementale à assiette large, au même titre que la TVA"


Rodrigue Coutouly: Je suis profondément d'accord avec vous sur la nécessité d'une volonté politique forte. Je suis plus sceptique sur la pression des engagements internationaux. Ceux-ci sont construit dans le compromis permanent et la France se situe plutôt dans les pays qui poussent dans ce sens.

Je crois davantage à l'efficacité croissante des politiques publiques écologistes. Quant les politiques comprendront que les mesures de "décarbonisation" de leur économie sont efficaces financièrement, ils appuyeront sur le champignon et s'intéresseront à la fiscalité et à la comptabilité environnementale ! 

 

Ce qui m'amène à une question : peut-on se lancer dans cette opération au niveau national alors que les normes comptables sont internationales? Je pense que la bonne échelle d'action est le niveau de l'Etat français mais peut-il imposer des nouvelles normes comptables a son niveau?

 

Pierre Borie:   C’est pour cela que nous devons réfléchir avec eux, sans craindre d’avoir des idées innovantes à leur proposer : c’est eux qui se sont ralliés à notre système de taxation de la consommation (la TVA). Ce qui me parait essentiel, à l’heure actuelle, c’est plus de susciter une prise de conscience collective et de donner l’assurance aux gens qu’il existe des solutions pour résoudre les défis qui se posent à nous tous, à cahrge de bien y réfléchir car cela va changer beaucoup de choses dans nos comportements. Plutôt que de leur laisser croire que des mesures rapides mais mal pensées ou insuffisamment dosées produiront des miracles et des effets durables.

 

Pierre Borie:  "Quant aux taxes, et aux coûts administratifs supportés par les entreprises, ils ont vocation à être répercutés dans les prix de vente, et c'est bien le consommateur final qui en paiera le prix."


Rodrigue Coutouly: Le risque n'est-il pas alors que les entreprises françaises appliquant cette comptabilité se trouve désavantagées par rapport à des entreprises étrangères? 

Je vous fais d'ailleurs une proposition : si l'entreprise n'est pas en mesure de présenter une comptabilité environnementale sérieuse, elle doit payer la taxation maximale. Cela réglerait la question des entreprises étrangères et obligerait les françaises à agir.

 

Pierre Borie:  Tout à fait d’accord : c’est une des difficultés à résoudre, qui prouve l’évidence d’une concertation internationale : au minimum l’UE, mais plus vraisemblablement l’OMC. La Chine sera forcément contre, mais nous devront lui prouver qu’il s’agit de son intérêt à long terme. Il faut évidemment du courage politique. Mais notre rôle de citoyens consiste à apporter notre pierre à nos représentants pour qu’ils construisent quelque chose avec qui nous serve. Une des conséquences est probablement le rapatriement en France de nombre d’activités délocalisées, car le coût du transport devrait logiquement subir un bon.

 

5-Nucléaires:

Pierre Borie: "Si les externalités inhérentes à l'énergie électro-nucléaire étaient prises en compte jusqu'à ce que la décontamination de l'environnement soit achevée, le prix du kwh ne tendrait-il pas vers l'infini ?"


Rodrigue Coutouly: Je suis pleinement d'accord. Est-il envisageable d'ailleurs d'inventer une comptabilité pour le nucléaire spécifique?  Cette comptabilité  permettrait d'intégrer les risques pris, une comptabilité qui mesure et compte la probabilité des accidents,  le coût du démantèlement des centrales et du retraitement des déchets extrapolés sur des siècles.

 

Pierre Borie:  Comme dans bien des domaines, si la réglementation actuelle était appliquée, il n’y aurait pas besoin de nouvelles lois. Les règles sur les actifs et les passifs existent, mais les entreprises ne les interprètent pas de la même manière. On voit ce qui se passe en ce moment, où le lobbie nucléaire se fait discret, à propos de la sous-évaluation manifeste des coûts de démantèlement. C’est évidemment au politique de dire la norme, et de la faire appliquer. Il ne suffit pas que le commissaire aux comptes d’EDF refuse de certifier les comptes, pour que ces derniers deviennent transparents.

 

6-Récompenses:

Pierre Borie:  "Récompenser les entreprises vertueuses ? Pourquoi ne pas pénaliser les autres ?" 


Rodrigue Coutouly: Je dois préciser ma pensée sur ce point : il ne s'agit pas de donner des cadeaux à ceux qui font des efforts. Il s'agit d'aider ceux qui investissent pour moins polluer et moins émettre de carbone. Et, pour moi, très clairement, cette aide financière doit provenir de la taxation carbone.

Les efforts à réaliser, dans les décennies à venir, vont réclamer des investissements énormes. Où trouver de l'argent dans cette période où on en manque cruellement en Europe? Dans le produit de ces taxations, de cette fiscalité environnementale, elle doit être réinvestis INTEGRALEMENT pour développer cette nouvelle économie.

 

Pierre Borie:  Les investissements sont à faire par les entreprises, aidées par l’Etat quand il s’agit de créer des infrastructures collectives (transports, filières de récupération de déchets …) ou de financer des travaux de recherche (cf le plan calcul, le spatial…). C’est une question d’affectation des ressources. Mais si les taxes vertes viennent à remplacer +/- les taxes sur la consommation, sur le travail ou sur le capital (pour être vraiment incitatives sans peser sur les prix), il faudra compter sur elles pour les autres besoins publics que l’environnement. Il faudra donc laisser les entrepreneurs libres de s’organiser au mieux de leurs intérêts, à leur charge, sans les faire profiter d’un effet d’aubaine. A cet égard, le subventionnement des véhicules électriques, alors que l’on ne sait pas encore produire de l’énergie éléctrique non polluante, n’est pas raisonnable pareil pour l’énergie solaire revendue trop cher à EDF.

 

7-Etablissements publics:

Rodrigue Coutouly: Dernière question: Etant fonctionnaire et ordonnateur d'un établissement public, je voulais savoir si vous aviez envisagé l'intégration de la comptabilité environnementale dans  la comptabilité publique?

 

Pierre Borie:  Cela ne me semble pas du tout incompatible. Pour un lycée, une université, un hopital, on peut faire un « bilan carbone » pour mesurer le stock présent dans l’existant, les flux dans la gestion quotidienne (en faisant pas exemple en sorte d’organiser des transports en commun pou le personnel), compter ce qui vient des fournisseurs extérieurs, et au final, communiquer sur la performance de l’établissement par rapport aux « unités d’oeuvre » les plus caractéristiques : nombre d’élèves, d’étudiants, de malades, de K opératoires ; comparer d’un établissement à l’autre, et dans le temps…

 

 

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29 mai 2011 7 29 /05 /mai /2011 21:43

Quelques questions posées à Pierre Borie et ses réponses pour poursuivre la réflexion autour de son texte précédent.

 

1- La normalisation de ces méthodes comptables n'est-elle pas un préalable nécessaire si on veut réellement la mettre en place et la généraliser ?


Sans doute. Ce sera le rôle de l'Autorité des Normes Comptables, qui aura à valider, en liaison avec les autorités compétentes, le processus mis au point par les professionnels eux-mêmes. Ainsi pourront être normalisées les pratiques actuelles, bien trop disparates. Il s’agira de définir et préciser deux systèmes d’information :

 

-Celui qui permet de donner au tout début de la mise en application, un poids standard de CO² pour tout ce qui se trouve en stock dans les entreprises à l’instant zéro.

-Les règles pour une activation éventuelle des dépenses liées à l’environnement, de provisionnement des risques et des dépenses de remise en état, de démantèlement, de décontamination des sites.


Ce préalable est, à mon avis, moins une question technique à traiter qu’une volonté politique à affirmer. Lorsque surtout, les pouvoirs publics seront convaincus que les engagements internationaux pris par notre pays, ainsi que les objectifs affichés lors des Grenelle 1 & 2 de l'environnement, obligent à prendre des mesures qui permettent une fiscalité environnementale à assiette large, au même titre que la TVA pour ce qui est de taxe sur la consommation, ils sauront que cela passe nécessairement par une adaptation de la comptabilité des entreprises.

 


2-La généralisation de ces outils complexes ne va-t-elle pas pénaliser les très petites et les petites entreprises?

 

Ce n'est pas l'outil comptable en lui-même qui est complexe, mais la démarche préalable qui consiste à mesurer et à chiffrer les externalités à faire figurer sur les factures, tout au long de la vie d'un produit. Cela représente évidemment un coût pour les entreprises, mais il ne faut pas le croire exagéré. Un bilan environnemental ne sera pas bien compliqué à faire pour une TPE engageant peu de moyens de production. Le plus dur sera d’amorcer de bonnes pratiques dans l’entreprise.


Par ailleurs, on peut concevoir des formules simplifiées, tant il est évident que la TPE est beaucoup moins consommatrice d'externalités que la multinationale. L'ADEME est, ou sera en mesure de proposer des barèmes, des grilles d'évaluation, que tout un chacun pourra adapter à sa situation, sous le contrôle des professionnels comptables qui les assistent déjà pour leur déclaration fiscale, qui les conseillent pour optimiser leurs performances, ou pour attester la régularité et la sincérité des comptes qui sont publiés.

Quant aux taxes, et aux coûts administratifs supportés par les entreprises, ils ont vocation à être répercutés dans les prix de vente, et c'est bien le consommateur final qui en paiera le prix.

 

 

3-La comptabilité environnementale doit-elle concerner uniquement le carbone? Que peut-on mesurer d'autres?

 

La taxe carbone est un bon indicateur parce qu'elle porte sur le principal agent responsable du réchauffement climatique, et qu'on trouve partout du CO². Il faut une unité de mesure qui ait un champ le plus vaste possible, et dont on  puisse suivre la trace le plus longtemps possible. On pourrait parler de taxe sur l'énergie, sur les pesticides, sur le césium, sur les déchets, etc. Commençons par le carbone, et voyons ce que cela donne. On pourra dans un deuxième temps pister une autre source de pollution à combattre, à condition que cela soit faisable aisément. Le carbone est une unité pratique pour lutter à la fois contre les kwh et les déchets.

 

Mais on pourrait aussi mesurer par exemple les produits chimiques incorporés dans les aliments, les fumées toxiques, les décibels dans les oreilles, tout ce qui peut faire l’objet d’un flux dans les comptes de résultat. Pour ce qui est des stocks de produits polluant (l’amiante dans les toits par exemple), pourquoi ne pas appliquer les règles qui existent déjà sur les actifs et les passifs, en veillant à ce qu’elles le soient effectivement, et honnêtement ?


En effet, la comptabilité environnementale ne doit pas se limiter à dénombrer et à transmettre les mistigris achetés à l'extérieur. Elle doit aussi recenser les coûts futurs, en toute transparence et objectivité. Peut-on se contenter d'amortir les coûts de démantèlement d'une centrale nucléaire sur 20 ans, alors que celui de Brennilis traîne depuis 1985, et que l’on voit ce qui se passe à Tchernobyl et à Fukushima ? Si les externalités inhérentes à l'énergie électro-nucléaire étaient prises en compte jusqu'à ce que la décontamination de l'environnement soit achevée, le prix du kwh ne tendrait-il pas vers l'infini ?

 

4- Ne faudrait-il pas récompenser les entreprises qui font l'effort d'une comptabilité environnementale? Et, dans l'affirmative, comment s'y prendre ?

Récompenser les entreprises vertueuses ? Pourquoi ne pas pénaliser les autres ? Ce serait moins coûteux pour les finances publiques, et plus conforme au principe du "pollueur-payeur". C'est un travers bien français que de tendre des carottes pour que les gens adoptent un comportement citoyen. Cela les déresponsabilise, et génère des effets d'aubaine très coûteux pour la collectivité.

La meilleure récompense viendra du marché lui même, car les produits moins chargés de carbone seront vendus moins cher, et les consommateurs sauront bien où est leur intérêt.

 

5-Quel lien précis faites-vous entre cette comptabilité environnementale et la fiscalité environnementale ? Comment, concrètement, voyez-vous le calcul de ces taxes à partir de cette comptabilité ?

Il s'agit, dans un premier temps, de dénombrer dans chaque entreprise le poids de carbone inclus dans ses biens et moyens d'exploitation (bâtiments, matériels, stocks, mode de déplacement et éloignement de ses employés ...), puis de le valoriser en fonction du prix donné par les pouvoirs publics (c'est une question politique : entre 15 et 200 € la tonne, par exemple, il y a de la marge !). Cet "inventaire carbone" (l'expression "bilan carbone" est protégée) permettra, une fois valorisé, de répartir la charge correspondante sur chaque unité d'œuvre produite, ou chaque euro de chiffre d'affaires. S'y ajouteraient toutes les charges transmises par les fournisseurs en amont (qui leur seraient payées). L'entreprise majorera son prix de vente d'autant, jusqu'à ce que le consommateur paye à lui seul le prix de tout le carbone incorporé depuis l'origine. La dernière entreprise de la chaîne sera le collecteur de l'impôt.

 

Il faudra faire face à des difficultés : "marquer" les produits venus de l'étranger qui ne relèveraient pas des mêmes règles ; moduler le prix du carbone et des taux de TVA pour que le prix final payé par le consommateur ne soit pas excessif ; s’assurer de la transparence du dispositif, de son exhaustivité et de l’absence d’effets pervers, comme par exemple en prenant deux fois en compte les mêmes éléments.

 

 

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25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 15:42

Pierre Borie est un fidèle lecteur de Fiscalité environnementale. Il est aussi Expert comptable, membre de la commission développement durable de sa profession. Il développe ici, pour nous, le concept de comptabilité environnementale. Cet article sera suivi d'une interview de Pierre Borie et d'un échange de point de vue entre lui et moi. Bonne lecture,

Rodrigue Coutouly

 

La comptabilité environnementale est une technique pour mesurer le coût que les entreprises font subir à l'environnement, leur permettre d'en faire état dans leurs comptes annuels, et communiquer à ce sujet auprès des tiers, qu'on appelle les "parties prenantes" lorsque l'on traite de la "responsabilité sociale des entreprises" (RSE). J'y ajoute une fonction supplémentaire, trop ignorée jusqu'ici, qui consiste à servir de base pour une fiscalité environnementale"

 

"La notion de comptabilité environnementale est ancienne, puisqu'il s'agit notamment de traiter les "externalités", cette consommation de biens collectifs dont les entreprises usent et abusent gratuitement, notion mise en évidence à la fin du 19 ème siècle. C'est dans les années 1970 que le concept prend forme et se précise, sous la pression des parties prenantes, qu'elles soient internes (employés, gouvernance) ou externe (actionnaires, fournisseurs, clients, pouvoirs publics, banquiers, groupes de pression, public ...) à l'entreprise." 

 

"Avec l'évolution progressive des mentalités depuis les années 1950, et les contraintes légales venues avec cette prise de conscience, les entreprises les plus importantes ont développé des méthodes pour évaluer leurs performances environnementales, tant pour leur usage interne que pour leur communication externe." 

 

"Il y a plusieurs manières de mesurer les coûts environnementaux et tenter de les réduire : selon que l'on cherche à optimiser les processus de fabrication de bout en bout, à intégrer les coûts environnementaux par activités, à comptabiliser l'ensemble des coûts, qu'ils soient internes ou externes à l'entreprise, à les appréhender tout au long du cycle de vie du produit, on procède différemment, avec des résultats qui ne se recoupent évidemment pas. Tout cela conduit  à des pratiques assez disparates, parfois normalisées au plan international, mais le plus souvent laissées au libre choix des entreprises. Elles se heurtent même à des difficultés comptables classiques, comme d'avoir à choisir entre immobiliser une dépense environnementale ou à la passer en charge, à provisionner ou pas un passif environnemental éventuel." 

 

"Si les méthodes diffèrent d'une entreprise à l'autre, au point de rendre hasardeuses les comparaisons, il n'en demeure pas moins que les besoins sont aujourd'hui assez bien reconnus, et que l'on voit souvent utilisés maintenant des indicateurs de performance environnementale (IPE).  Depuis le Grenelle 2 de l'environnement, le champ d'application de la comptabilité environnementale n'est plus cantonné aux grandes entreprises cotées, mais s'élargit aux PME, d'une taille encore cependant assez significative."

 

 

"En réalité, on assiste à un clivage environnemental dans notre tissu d'entreprises : celles qui remplissent les conditions pour être astreintes à communiquer sur leurs performances, et les autres, comme s'il était politiquement incorrect d'avoir à leur demander des comptes. Il y a quelque hypocrisie à prétendre exonérer les petites entreprises à toute obligation en la matière, et demander aux autres d'intégrer par exemple le marché des quotas d'émissions de gaz à effet de serre, tout en voulant imposer à tout un chacun de payer une taxe carbone indépendamment des efforts qu'il peut faire pour réduire sa consommation. "

 

"On peut comprendre la comptabilité environnementale comme un moyen pour les grandes entreprises de devenir moins gourmandes d'externalités, et considérer les autres comme peu concernées par le problème. C'est comme cela que c'est envisagé aujourd'hui."

 

"Mais on peut aussi vouloir faire en sorte que tous les agents économiques - ménages et entreprises- soient impliqués dans ce qui une cause d'intérêt public. Alors tous devraient payer en proportion de la pollution réelle dont il serait responsable (c'est le principe du "pollueur-payeur"), et alors seule une comptabilité environnementale généralisée à toutes les entreprises, y compris les plus petites, permettrait de mesurer exactement le poids des externalités consommées jusqu'à la vente au consommateur final. La comptabilité n'est pas seulement un outil de décision et de communication pour les entrepreneurs, à finalité micro-économique ; c'est aussi un instrument de politique économique et fiscale indispensable aux pouvoirs publics, dont la précision garanti l'égalité des citoyens devant l'impôt. Lorsque l'on parle de "changer de paradigme économique" en introduisant des considérations environnementales dans les processus décisionnaires, on ne peut pas le faire dans l'arbitraire, mais avec des cadrans sous les yeux. C'est au comptable d'éclairer le pilote, pas au lobbyiste. "

 

"C'est la comptabilité environnementale, ou "comptabilité verte", qui doit donner la base de calcul des futures taxes environnementales qu'il nous faudra bien payer un jour, à la fois pour dissuader les pollueurs et pour réparer leurs dégâts sur notre environnement. Ainsi conçue, la comptabilité environnementale aurait un rôle tout à fait différent de celui qui lui est assigné actuellement, avec une finalité plus analytique que fiscale. C'est à une révolution comportementale que nous devons nous préparer. Il sera plus difficile de convaincre les usagers que de définir les moyens à mettre en œuvre. Ceux-ci, les professionnels de la comptabilité sauront les mettre au point et les tester avec l'aide des pouvoirs publics. Le résultat bouleversera les équilibres actuels entre secteurs d'activité et entre intervenants à l'intérieur de chacun d'eux, et des leviers de boucliers se dresseront. Mais si l'intérêt des générations futures l'exige, on ne voit pas au nom de quoi on pourrait renoncer. Il faudra du temps, certes, procéder par étape, avec pédagogie, en concertation avec nos voisins, mais il faudra que cela devienne obligatoire pour tous, pour ce que cela soit."

 

" Recevoir la comptabilité environnementale comme l'outil nécessaire à une fiscalité verte, ne suffit pas : il faut aussi que les règles fiscales soient pertinentes. Il ne suffit pas de proposer d'augmenter les taux de TVA, de créer des taux "éco-modulables" pour verdir une politique : il faut commencer par réfléchir à ce que l'on veut faire avec quoi, s'assurer que les moyens sont cohérents avec les objectifs. Cela renvoie à la problématique, par exemple, de la taxe carbone, et du poids respectif des différentes formes d'impôt."      

Pierre Borie

 

 

 

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11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 06:26

 

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En cette période de commémoration de la victoire de François Mitterrand en mai 1981, alors que la campagne présidentielle de 2012 se prépare, il n'est pas inutile de revenir sur le tournant du premier septennat de Mitterrand, à savoir le tournant de la rigueur. Ne va-t-on pas revivre ce phénomène après 2012?

 

Rappelons ces événements connus : arrivé au pouvoir, la gauche applique le programme commun. La politique économique du gouvernement Mauroy est une politique de relance de la consommation. Il espère ainsi réduire le chômage.

Mais cette politique se heurte à une perte de confiance des milieux économiques et à des attaques contre le franc, menées par des spéculateurs anglo-saxons (Ronald Reagan  et Margaret Thatcher sont aux manettes et ne viennent pas en aide à la France socialiste !).

La mort dans l'âme, Mitterrand est obligé, en mars 1983, de faire volte-face. Il instaure, avec le gouvernement Fabius, une politique de rigueur et tourne le dos aux idéaux de la Gauche.

 

On peut faire le parallèle avec l'arrivée au  pouvoir de Sarkozy en 2007. Son programme politique d'inspiration libérale est mis en place mais la crise économique mondiale de 2008 l'empêche de la poursuivre et l'oblige à mettre un frein à ses réformes.

 

 

N'est-ce pas cela qui nous attend l'an prochain?

Pendant un an, on ne va entendre parler que de candidats, de leurs personnalités et de leurs petites phrases. On entendra aussi leurs programmes, bien lisses, gentils et remplis de bonnes intentions.

Certaines intentions seront rapidement oubliées l'élection passée. Mais surtout, quelque soit le vainqueur, il ne pourra pas appliquer ses idées car le principe de réalité se rappellera immédiatement à lui.

On l'a déjà vu pour le PS qui espère une croissance assez forte pour financer les mesures qu'il préconise dans son programme. Mais il en sera de même pour l'UMP et le Front National.

De quoi est fait ce principe de réalité? D'abord d'une croissance anémique et qui le restera, ensuite d'un déficit budgétaire de l'Etat et des comptes sociaux qui détruisent, par avance, toutes les marges de manoeuvre envisageables.

Mais si en 81, nous avons eu les attaques contre le Franc, si, en 2008, nous avons eu la Crise, nous allons, selon toute vraisemblance, avoir le Peak Oil pétrolier  après 2012 et/ou d'autres aspects de la crise (crise alimentaire, banqueroute de l'Etat, krach immobilier).

Faut-il pourtant tout voir en noir? Non, mais rester lucide : l'époque est dangereuse. On reprochera, dans l'Histoire, au vainqueur de 2012, de n'avoir pas su prévoir des politiques capables de répondre à ces défis pourtant facilement prévisibles.

Les partis politiques qui veulent gagner en 2012, doivent aujourd'hui construire une fusée à trois étages:

-Premier étage: la politique spectacle; les petites phrases et le spectacle indispensable pour convaincre la majorité de nos concitoyens rivés devant leur poste.

-Deuxième étage: un programme politique à la fois réaliste et aérien qui nous fasse rêver, avec des valeurs et des idées séduisantes pour convaincre la minorité qui, par l'analyse politique, dans la presse et dans la blogosphère, veut un programme qui l'intéresse.

-Et enfin, un troisième étage, réaliste, lucide et imaginatif, celui de la politique que l'on va REELLEMENT appliquer quand on sera au pouvoir. Et dans un monde de plus en plus complexe et difficile, il faudra autre chose que des formules et des bonnes intentions pour réussir, il faudra innover et inventer une politique qui aura anticipé sur l'avenir immédiat.

 

Car l'Histoire, la grande Histoire oublie les deux premiers étages de la fusée et ne retient que le dernier, celui qui va sur la Lune !

 


 

 

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10 avril 2011 7 10 /04 /avril /2011 15:48

 

pierre-M.jpg

 

Parmi les ténors socialistes, Pierre Moscovici, un proche de DSK,  est un des seuls à s'interroger profondément sur les liens entre écologie et socialisme. A l'heure où la victoire des socialistes paraît possible l'an prochain, il semble utile d'aller voir ce que les socialistes proposent réellement en matière d'écologie.   Partons  de deux chroniques récentes que Moscovici a écrites pour Terraéco, "Pour une social-écologie" (novembre 2010) et "le Nucléaire à la croisée des chemins" (mars 2011), pour lui répondre avec quelques réactions et réflexions.

 

Le premier principe qui doit fonder nos réflexions est celui du lien entre crise sociale et urgence climatique, dans un cadre budgétaire souvent contraint. Préparer l’avenir de ne donne pas pour autant le droit aux gouvernants d’occulter la détresse sociale d’aujourd’hui au nom de celle de demain. Je pense ici à la taxe carbone, mais également à une stigmatisation des modes de déplacement souvent trop simpliste et déconnectée de la réalité : offres de transports limitées, horaires décalés, prix des véhicules propres, mobilité réduite.

Notre société a autant à craindre d’un accès à l’énergie à deux vitesses, d’une qualité de l’air et de l’eau qui varie selon les catégories sociales que d’émissions de gaz à effet de serre qui affectent uniformément l’ensemble de la population. Il nous faut lutter contre le cumul de toutes les précarités, qu’elles soient économiques, sociales, environnementales ou énergétiques. C’est cette colonne vertébrale du socialisme qui différenciera la social-écologie de l’écologie « classique » : poursuivre un objectif de sobriété énergétique nationale sans jamais remettre en cause un accès pour tous au service énergétique minimum.

 


Mes réactions: Moscovici tente la synthèse: garder l'accès pour tous à l'énergie tout en combattant le réchauffement climatique. Mais son propos révèle surtout  la puissance des obstacles que nous rencontrons : la dette limite les marges de manoeuvres. Pourtant l'efficacité énergétique réclame des investissements, la nécessaire sobriété exige l'augmentation des prix de l'énergie, Pourtant  la pauvreté croissante de pans entiers de la population les enferment dans l'impossibilité d'agir et d'échapper à  des logements et à des modes de déplacements énergivores.

Moscovici prétend lutter contre ces "précarités". Mais il n'explique pas comment les socialistes vont s'y prendre. Comment construire un cercle vertueux innovant qui va permettre à la fois d'investir et de soutenir les plus pauvres? Comment démarrer ce cercle vertueux alors que les armes traditionnelles de la relance et de la croissance se révèlent inopérantes?


Je crois à l’efficacité des marchés carbone ; encore faut-il que les quotas ne soient pas distribués gracieusement et en nombre excessif. C’est dans le cadre de la vaste révolution fiscale à laquelle nous appelons que doivent naître ces nouveaux outils économiques : si les différentes contributions et taxes (telles que la TVA) sont correctement éco-modulées, alors nos modes de production et de consommation changeront durablement. A ce titre, je milite pour une contribution climat-énergie forte, qui pourra porter de manière alternative sur les niveaux ou l’évolution de la consommation. Mais cette contribution devra être générale, socialement juste et efficace – à travers la redistribution pour des produits de reconversion ciblés « verts ».

 

 Mes réactions: Moscovici a un niveau de réflexion sur l'écofiscalité largement supérieur à la plupart de ses pairs. Il a compris que c'est toute la variété des taxes qui doit être touchée par la fiscalité environnementale. Il a compris que la réussite d'une écotaxe n'est possible que si elle est redistribuée. Je ne comprend pas ce qu'il veut dire par une contribution climat-énergie forte, ce qui me semble antinomique avec l'idée de ne pas pénaliser les plus faibles. Je ne comprend pas ce qu'il entend par "qui pourra porter de manière alternative sur les niveaux ou l'évolution de la consommation", car on peut s'inquiéter du mécanisme d'alternance, du risque de dérives et du manque de régulation d'un système de contribution climat-énergie.

 

 

 

Nous devrons mettre ces sujets à plat, faute de quoi le dialogue sera éphémère. Mais pour dépasser ces débats politiques autant que techniques, nous devrons surtout veiller à ce que ces questions qui façonnent le visage d’un pays soient rendues au débat public : les choix du « mix » énergétique, du modèle agricole et alimentaire, doivent sortir des cercles d’experts pour donner lieu à une discussion citoyenne publique. Nous savons le faire dans nos collectivités depuis de nombreuses années, nous devons l’instaurer pour ces sujets nationaux. Le changement de modèle économique et technique est un enjeu majeur : les citoyens doivent être associés et concernés, et leurs aspirations au changement incarnées.

 

 

 

Mes réactions: On ne peut être que d'accord avec l'idée d'un débat public sur ces thèmes. Il faudra être vigilant pour que les lobby les plus puissants, ceux du nucléaire et de la chimie par exemple, n'en profitent pas pour continuer d'imposer leurs idées sur la société et l'opinion française. Moscovici doit savoir aussi que nombreux de ses camarades ont été, par le passé, entraînés dans des eaux douteuses de la compromission sur le dos des concitoyens de ce pays. La capacité des leaders d'un pays à  s'affranchir des influences néfastes et des petits arrangements "entre amis" sera essentielle si nous voulons avancer et sortir de l'impasse du nucléaire ou de l'agriculture "chimiquement assistée".

 

Le dégoût de la politique, par une partie croissante de la population, révèle aussi l'importance de remettre le débat sur la place publique. Mais les Français ne vont pas se satisfaire de quelques débats médiatiques dans un grand hôtel parisien: la population a un niveau d'étude et des moyens d'informations largement supérieurs à ceux qui pouvait exister il y a trente ans. La blogosphère est devenue le lieu privilégié de cette pensée collective qui émerge aujourd'hui. Un simple débat sans lendemain, sans conséquences sur les décisions, "pour la galerie" serait vécu comme une trahison de plus.

 

Qu’en penser, ensuite, sur le fond ? D’abord, que sortir de cette hypertrophie est indispensable, mais prendra du temps. Le nucléaire est à ce stade une énergie de compromis, qui nous permet une certaine indépendance énergétique tout en participant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et en assurant une certaine sécurité des prix. Ce « rééquilibrage maitrisé » est d’autant plus nécessaire que si les énergies renouvelables (EnR) représentent l’avenir, elles ne sont pas encore des technologies totalement matures. La possibilité qu’une sortie brutale du nucléaire aboutisse ainsi à la victoire du… gaz n’est pas à négliger. Ceci avec des conséquences considérables : un impact en CO2 quatre à cinq fois plus élevé et l’obligation d’importer une grande part de notre consommation depuis la Russie ou le Moyen-Orient. Les nouvelles énergies n’ont par ailleurs rien à gagner à s’aliéner l’adhésion populaire par une augmentation brutale et inconsidérée du coût de l’électricité.

 

 

Mes réactions: 

Je ne suis pas d'accord avec cette expression d'"énergie de compromis". L'importance du nucléaire en France n'est pas dû à un compromis, car à l'époque de sa montée en puissance, la question du réchauffement climatique n'existait pas. Cette invention d'un compromis bénéfique est une invention qui date de la fin des années 90, à posteriori, des écologistes pro-atomique pour re-légitimer le nucléaire.

 

Moscovici sait parfaitement que la sortie brutale du nucléaire est demandée par une minorité infime et irréaliste d'écologistes. La grande majorité sait parfaitement que cela se fera de manière progressive. La position de Moscovici interroge ici : en se positionnant face  aux extrémistes, il prend une posture médiane qui  légitime encore le nucléaire. Il oublie les écologistes qui défendent,  comme Négawatt, des positions lucides, réalistes et solides de sortie du nucléaire en 20 ou 30 ans.

 

Bref, écrits en pleine horreur nucléaire nippone, ce texte montre bien que, en filigrane, Moscovici n'est pas convaincu par la sortie du nucléaire. 

 

 

-----------------

Il nous faut donc investir significativement et durablement dans la technologie industrielle liée aux énergies renouvelables afin qu’elles puissent prendre la relève au plus vite – à l’opposée du stop-and-go délétère du gouvernement. Mais sortir du nucléaire passe aussi et surtout par une meilleure isolation de nos bâtiments et une modification substantielle de nos habitudes de consommation. On oublie trop souvent que l’essentiel des gains potentiels passe par la maitrise de la demande. La France doit enfin, autant que possible, aligner le niveau de sureté des centrales sur les meilleurs standards mondiaux, y compris dans son choix de technologies.

 

Mes réactions:

La dernière phrase montre encore une fois la croyance de Moscovici en un monde nucléaire sûr. Mais il a trop l'esprit de compromis pour ne pas mettre tous "ses oeufs dans le même panier". Il parle donc d'investissements dans les énergies renouvelables. Mais il sait bien que, à l'heure de l'argent rare, du surendettement de l'Etat et de la Nation, devant l'efficacité du lobby nucléaire, ces investissements resteront marginales et ne permettront pas d'inverser la tendance.

 

Conclusion : je suis un lecteur régulier du blog de Pierre Moscovici car j'apprécie son intelligence politique (au sens noble du terme). Dans celui-ci, il ne parle pratiquement jamais d'écologie. Ses articles dans Terraéco n'ont-ils pas alors pour seul objectif de labourer le filon de l'électorat écologiste? Cette hypothèse serait regrettable : Pierre Moscovici est un des seuls socialistes capables aujourd'hui d'intégrer la problématique écologiste dans sa pensée politique. Or, les socialistes au pouvoir vont affronter des difficultés énormes liées à l'entrelacement des crises économiques et écologistes, ils auront bien besoin de personnalités capables d'affronter la complexité du monde et d'en imaginer des solutions innovantes.

 

 

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5 avril 2011 2 05 /04 /avril /2011 21:50

 

programme PS

 

Dans le programme du PS, on trouve une mesure (parmi les 30) qui intéresse particulièrement l'auteur du site Fiscalité Environnementale que je suis. Il s'agit de la TVA "écomodulable". De quoi s'agit-il?:

"Pour encourager les comportements écologiques, nous rendrons la TVA « éco-modulable » (diminuée sur les produits non-polluants et augmentée sur les produits polluants). Les produits dont la fabrication et le transport polluent le plus seraient frappés d’une TVA plus élevée et inversement. Un nouveau barème serait ainsi créé. Cette mesure se ferait à recettes constantes, sans augmenter globalement cet impôt."

 

1-Une "vieille idée"

 

Dés janvier 2007, sur mon ancien blog ecologie incitative, j'imaginais ce type de fiscalité dans un article dont je vous livre quelques extraits: 

De la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) à la Taxe Variable d’Ajustement Ecologique (TVAE), où comment étendre progressivement la logique écologique dans notre système économique

La principale contribution indirecte en Europe est la Taxe sur la Valeur Ajoutée. Celle-ci est d'un montant fixe (19,6%) avec des réductions pour certaines catégories de produits ou de service. Elle est supportée par le consommateur final. Cet outil fiscal est peu contesté et il est probable qu'il restera encore longtemps le principal prélèvement en Europe. C'est donc un outil fiable que l'on peut aussi utiliser pour une contribution écologique, à la condition de ne pas priver les Etats européens de cette manne indispensable.
On peut alors utiliser la Taxe sur la Valeur Ajoutée de la même manière qu'une taxation incitative comme un outil de régulation écologique. Elle devient alors progressivement une Taxe Variable d’Ajustement Ecologique (TVAE), transformation de la TVA en outil de régulation.
La TVAE aura les même principes que la taxation incitative : 
-la TVA sera différente pour les mêmes types de produits ou de services en fonction de leur « qualités » écologiques
-l'écart entre les deux augmentera avec le temps
-cet écart sera calculé et régulé pour que la somme des contributions restent la même et puisse alimenter le budget de l'Etat. 
-cet écart sera suffisammnent significatif pour peser sur les choix des consommateurs

...(article Faire évoluer la TVA en bas de page).sur écologie incitative

 

 

 

2-Une idée originale, mais des problèmes demeurent:

Cette mesure correspond tout à fait à ce que je préconise sur mon site : utiliser l'outil fiscal pour changer notre modèle économique et peser sur l'évolution des comportements. Cela me semble donc, à priori, une excellente mesure.

C'est en quelque sorte la généralisation à tous les secteurs économiques du système du bonus-malus automobile.

Mais, comme souvent, les partis politiques prennent les (bonnes) idées mais ne rentrent pas dans les détails "techniques" des mesures et c'est là que cela se corse!

 

Le PS affirme que cela se fera à "recettes constantes, sans augmentation des impôts" mais l'exemple du bonus-malus automobile doit nous inciter à la prudence : cette mesure a eu un coût important. La généralisation de la méthode à l'ensemble de l'économie pourrait donc mettre l'Etat en difficulté financière !

 

"les produits dont la fabrication et le transport polluent le plus" : on imagine déjà les bagarres et les actions de lobbying de chaque secteur économique pour en être exonéré ! Au final, il est fort probable que des pans entiers de l'économie en soit dispensés, alimentant d'autant le sentiment d'injustice et réduisant les effets de la TVA écomodulable.

 

"un nouveau barême serait ainsi crée": l'exemple du bonus-malus doit nous inciter, là encore, à la plus grande prudence. Rapidement, les barêmes figés se retrouvent obsolètes, inefficaces et parfois contre-productifs.

 

3-Propositions pour infléchir la mesure et la rendre plus efficace:

Suite à cette analyse, je préconise quelques inflexions:

-ne pas changer la TVA qui a montré toute son efficacité depuis des décennies mais créer des contributions adossées à celle-ci. Il s'agit ainsi de ne pas mettre en difficulté la TVA, principale source fiscale de l'Etat et de garder la cohérence de l'écomodulabilité des contributions  nouvelles.

-pour éviter le lobbying, instaurer des contributions dans tous les secteurs. Mais laisser chaque secteur construire ses propres contributions avec un système participatif dans l'esprit du Grenelle de l'Environnement. Par contre, les secteurs qui ne le feraient pas, dans un délai raisonnable, se verront appliquer une taxe carbone fixe et importante.

-pour limiter les inévitables résistances et favoriser l'adaptation des acteurs, il faut commencer par une taxation faible et prévoir une augmentation continue et connue.

-les recettes de chaque contribution écomodulable doit être reversés aux acteurs du même secteur : par exemple, ceux qui ont fait l'effort d'acheter une voiture peu polluante vont la payer moins cher parce qu'ils vont bénéficier d'une prime financée par les acheteurs de voiture polluante.

-Pour éviter l'augmentation des impôts, il faut prévoir un équilibre financier du système. Pour cela, les primes reversées vont évoluer chaque année en fonction du rapport entre l'offre et la demande de produits éco-conçues. On les calculera en fonction des recettes de la contribution de l'année précédente.

 

Conclusion : l'écomodulabilité est une évolution intéressante de la fiscalité mais il nous faut tenir compte des erreurs du passé pour inventer une fiscalité environnementale juste et équitable, qui favorise le développement économique et l'emploi dans notre pays. Cette démarche est celle des contributions incitatives défendues sur ce site.

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 06:20

marine.jpgEn cette période de montée du Front National, de crise nucléaire japonaise, de débat, contesté, sur la laïcité, la classe politique française, les chroniqueurs médiatiques, les politologues  et autres experts paraissent désemparés devant l'évolution de la société.

Prenons quelques exemples qui montrent à quel point les vieux clivages et les vieilles grilles d'analyses ne conviennent plus pour comprendre notre monde. 

 

1-L'inventaire du désastre:

Vu aujourd'hui une affiche du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) de Besancenot  dont je résume le propos : "A bas le capitalisme vert, vive l'écosocialisme!"  Mon commentaire : l'écologie, en prenant une place de plus en plus importante dans le débat public, gêne les clivages manichéens d'antan. Il suffit donc de couper l'écologie en bon et méchant et on retrouve nos rassurantes certitudes !

Le parti socialiste, après avoir retrouvé des couleurs, nous prépare son projet politique. On peux être inquiet en lisant ce billet de Pierre Moscovici sur son blog: la solution à nos problèmes? La croissance, bien sûr!  Comme si il suffisait de la décider, sans analyser pourquoi nous en avons  de moins en moins depuis 30 ans! Car, elle ne se décrète pas, la croissance, et même si l'emprunt a pu être un des outils de ce miracle, est-on bien sûr que cela suffise à la déclencher?

 

Le désarroi, on le trouve aussi, bien entendu, du côté de l'UMP. Ses déconfitures peuvent se lire dans l'échec d'un projet de société qui prétendait réformer la société française par la libéralisation économique. Or, la crise est toujours là. 

 

Les experts sont bien embêtés : ceux qui ont préconisé la libéralisation ont échoué, mais ceux qui ont vanté la relance par la demande dix ans auparavant n'ont pas réussi non plus. Les vieux débats du XXéme siècle sont morts.

 

Et puis, "les français sont des veaux", comme disait le général De Gaulle: Ils votent pour le Front National. Les politologues sont désemparés : la montée semble irrésistible et on ne comprend pas pourquoi le pays des Droits de l'Homme devient  le berceau de cette montée d'un parti d'extrême-droite.

 

2-La méconnaissance de la population française:

Depuis plus de 10 ans, les experts en politique française en sont convaincus : les français, les classes populaires françaises votent Front National à cause de la violence et de l'insécurité, parce qu'ils sont racistes et n'aiment pas les arabes et les étrangers. Il suffit donc de leur raconter l'insécurité à longueur de JT et de les rassurer sur la politique musclée de la France en ce domaine pour gagner leur suffrage. Avec leur sondage creux, aux questions fermés et orientés, les politologues ont renforcé cette impression.

Mais qui a pris la peine de rentrer dans leur lieu de vie, de s'arrêter et d'avoir, avec eux, une vraie conversation? Qui a discuté avec ces français des banlieues, à part ces radio-trottoirs aux questions fermées et téléguidées? Ces poignées de mains sur les marchés?

J'ai la chance de travailler depuis vingt ans dans les quartiers nord de Marseille, de recevoir dans mon bureau, tous les jours, des familles issues de ces quartiers populaires, de converser avec eux, dans une population qui vote Front National à plus de 35 % depuis des années. Ma conviction est toute différente.

Le racisme? La peur de la violence? Bien entendu, cela existe. Mais, cela reste secondaire. Le vrai problème de ces populations s'appelle l'insécurité. Mais il ne s'agit pas de l'insécurité liée à la violence dont on nous rabat les oreilles. Non, cette insécurité concerne la peur de l'avenir, pour soi et pour ses proches. Cette insécurité est celle de l'emploi perdu ou menacé, ce travail qui socialise et fait de vous un membre à part entière de la société. 

Les "gens" des classes populaires, dans leur grande majorité, ne sont pas simplistes, ils ont Internet et analysent l'évolution du monde avec davantage de discernement que l'imaginent nos experts. Les valeurs de la République? L'école a bien fait son travail, ils les connaissent et les respectent. Mais le délitement de la société est à la mesure de leur désespérance et de leurs difficultés: le coeur de leur espoir et de leur dés(espoir) tient en trois mots : emploi, emploi, emploi.

Et c'est pour cela, parce que ni les socialistes, ni Sarkozy, n'ont su régler le problème, c'est pour cela qu'ils votent FN.

 

3-Sur quels axes faut-il travailler?

Depuis 10 ans, les politiques se sont trompées : ils ont considérés l'emploi comme un problème parmi d'autres. En réalité, aujourd'hui, le travail est devenu, pour les français, la seule difficulté, celle qui englobe tous les autres.

Mais comment agir? Par la croissance, bien entendu! Et on nous ressort les vieilles recettes, celle de la relance ou celle de la liberté économique, celle de l'emprunt salvateur comme celle de la réduction des déficits. 

La croissance, telle que nous l'entendons, ne reviendra plus et il nous faut inventer autre chose. Il faut aller chercher, dans l'économie verte, dans les relocalisations et dans une économie qui consomme moins de matières premières, les leviers nécessaires pour construire une autre économie. Les historiens qui se sont penchés sur les différentes révolutions industrielles ou économiques décrivent un cercle vertueux complexe où des mécanismes diversifiés se conjugent : un saut technologique, une nouvelle organisation sociétale, une mutation culturelle, la création d'une demande, un Etat volontariste menant des politiques publiques appropriées.

Il faut trouver les innovations techniques, sociales et politiques qui formeront le cocktail permettant de trouver ce cercle vertueux.

Maximilien Rouer, spécialiste des relations entre le développement durable et les entreprises a l'habitude de rencontrer des patrons sceptique qui lui expliquent qu'ils n'ont pas les moyens d'investir dans une démarche de développement durable. Il leur répond toujours : si le baril de pétrole atteint 300 dollars, combien de temps votre entreprise peut-elle tenir? 

Cette question vaut aussi pour notre personnel politique : vous hésitez entre relance par l'emprunt ou rigueur budgétaire? Mais que vaudra votre politique quand le baril de pétrole sera à 300 dollars? Elle ne vaudra de toute façon rien parce que vous n'aurez pas anticipé  les évolutions inévitables à venir!

Le désarroi de nos élites s'expliquent parce qu'ils continuent à utiliser des schémas culturelles du passé, ceux où les ressources étaient abondantes et  où les espaces étaient nombreux et accessibles. Le monde a changé et nos élites ne se sont pas encore adaptées. Espérons qu'ils sauront réagir assez tôt ! 

 

 

  

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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 10:24

 

30-glorieuses.jpg

 

En ces temps où la victoire des socialistes en 2012 apparaît de plus en plus comme possible, il est permis de se poser la question de savoir ce qu'ils vont faire de cette victoire. Quelle politique réaliste est-il possible de réaliser pour sortir notre pays de l'impasse dans lequel il semble s'enfoncer depuis deux décennies?  Deux informations intéressantes sont venues alimentées la réflexion sur ce sujet du projet socialiste.

 

Tout d'abord signalons la parution aux Editions Rue Fromentin d'un ouvrage qui fait du bruit: "les Trente Glorieuses sont devant nous", écrit par Valérie Rabault et Karine Berger. Son éditeur résume le propos du livre : "Vous pensez que la France est en train de tomber. Qu’elle n’est plus qu’une puissance " has been " dans la compétition internationale, victime des marchés financiers et de la mondialisation.

Et si tout n’était pas joué ? Et si le scénario des " 30 Glorieuses " décortiqué par Jean Fourastié dans les années 70, se rejouait d’ici 2040 ?

C’est la thèse des auteurs de cet essai de politique économique qui va à l’encontre de la sinistrose ambiante, avec une approche et une écriture accessible et pédagogique.

Karine Berger et Valérie Rabault défendent l’idée que la France a les ressources pour relever le défi. A plusieurs conditions évidemment. En reprenant la main sur les choix d’investissements, d’éducation, de logement, d’immigration, de transports etc. En reconstruisant l’équilibre du fameux " modèle français " d’origine, déclinaison économique du liberté, égalité, fraternité. Car, après la crise financière de 2009, la France est à la croisée des chemins. Et peut changer le cours de son capitalisme. Concret, pragmatique, iconoclaste...et optimiste, le livre est l’histoire d’une réussite du pays encore possible...à condition que l’on s’en donne les moyens."

 

Les deux jeunes brillantes auteures sont membres du PS.  Elles imaginent un cercle vertueux qui utiliserait une forme de planification, un boom du photovoltaïque, des transports du futur, de la recherche sur le vieillissement ... On apprécie qu'elles croient elles aussi à l'importance de la révolution écologique pour relancer le pays.

Mais le livre interroge : pour réaliser cela, il faut s'en donner les moyens, se donner les moyens d'une relance taylorienne qui débouche sur ce fameux cercle vertueux qui nous fasse sortir de la spirale du déclin.

 

Et c'est là qu'intervient notre deuxième information intéressante : Michel Sapin a été chargé par Martine Aubry d'évaluer les marges budgétaires sur lesquelles le PS pourrait s'appuyer pour construire son projet pour la présidentielle. Sapin vient de rendre ses conclusion : de 5 milliards par an à 0 selon l'évolution de la croissance française, 0 étant plus probable que 5 d'après lui, Fabius et Hollande étant d'accord avec ce pessimisme.

 

Autrement dit, la question qui se pose au Parti Socialiste (et à tous les autres partis aussi) est la suivante : comment construire un projet attractif pour les français qui permettent de déboucher sur un cercle vertueux sans avoir aucun moyens de relance?

 

A cette question cruciale pour l'avenir du pays, on peux faire une seule réponse:  il faut chercher des réponses dans ce qui coûte trop cher à notre pays, à ce qui le plombe depuis des décennies.

Les libéraux et l'UMP ont trouvé leur réponse depuis 2002, c'est l'Etat et les "charges sociales" qui plombent le pays. On laissera chacun juge de ces conclusions et des réponses qu'ils ont alors imaginées. 

Il m'en permis d'en suggérer une autre : ce qui plombe le pays, c'est le coût du pétrole et de toutes les ressources que nous gaspillons. Après tout, le pétrole c'est 50 milliard par an perdus (pour l'instant!). Il faut donc sortir des politiques prédatrices des ressources de cette planète en place depuis les 30 Glorieuses. Ces politiques sont devenus intenables dans un monde en plein développement et qui aspire à rejoindre nos démocraties.

La solution que je propose : taxer légèrement mais systématiquement l'usage de ressources non-renouvelables et non-recyclés, utiliser l'argent de cette taxation pour investir dans une économie circulaire et propre. On trouvera ainsi l'argent qui manque pour lancer le fameux cercle vertueux attendu. C'est par une politique volontariste de contributions incitatives ciblées que l'on avancera.


 

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 17:04

 

petrole-copie-1.jpg

 

Le dernier numéro papier de Terraeco, revue dont je recommande à tous la lecture, contient un dossier qui s'intitule : Tous accros au pétrole, pourquoi il va nous ruiner? Comment s'en passer? C'est un sujet aussi passionnant qu'inquiétant. Et Terraéco nous apprend des tas de choses sur la question. Et pourtant, la lecture du dossier me laisse sur ma faim.

 

En effet, si il est décrit de manière précise le rôle crucial du pétrole dans nos vies (transports mais aussi nourriture, logement, ...), si il est envisagé quelques solutions alternatives de pointe, mis en place par quelques pionniers, qui déclarent "je vis sans pétrole (ou presque)", le dossier n'aborde pas la question bien inquiétante de savoir ce qui se passera quand nous y serons : quand le peak oil sera derrière nous, que les prix auront triplé ou quadruplé, ce qui arrivera dans 10 ans, dans 4 ans ou ... dans 6 mois!

Comment allons-nous vivre à ce moment là, quelles transformations, quels traumatismes vont subir nos sociétés soumises à l'addiction au pétrole depuis plus de 40 ans ?

Rappelons simplement quelques données sur cette omniprésence du pétrole dans nos vies : le prix du pétrole aujourd'hui est 30 fois supérieur au prix de 1973, un kilo de boeuf "coûte" 2 litres de pétrole, 1 kilomètre d'autoroute 60 000 litres et chaque français en consomme en moyenne 4,5 litres par jour...

Les hommes et femmes politiques qui se préparent à l'élection présidentielle, futur président ou futurs ministres dans les six ans à venir, vont avoir une responsabilité écrasante : c'est à eux qu'il reviendra d'adapter notre société française à ces bouleversements, à ce pétrole qui se prépare à nous ruiner.  

Car quand le prix de notre alimentation, de notre essence, des voyages aériens sera multiplié par deux ou par trois. Quand tous les investissements dans les routes, dans le bâtiment nécessiteront de doubler leur prix, que se passera-t-il? 

Il ne s'agira plus de maintenir à flot le taux de croissance mais de ne pas le voir plonger trop bas en négatif ! La décroissance considérée comme le diable par de nombreux économistes, nous y serons complètement, jusqu'au cou !

Et sans espoir de retour, puisque cette augmentation du prix du pétrole, dûe à la rareté ne sera pas un cycle parmi d'autres, mais une constante avec lequel nous allons devoir faire !

On pourrait y voir l'apocalypse à nos portes et se dire que c'est la fin du monde!

Prenons-le au contraire comme une chance ! Le laissez-aller des politiques qui ont abandonner leurs pouvoirs au nom du libéralisme triomphant ne sera alors plus possible. Il faudra alors inventer des politiques publiques volontaristes et innovantes. Nous devrons aussi abandonner des manières de vivre bien négligentes en matière d'environnement.

Aller, sur un coup de tête, faire une virée en bagnole un week-end  à 600 kilomètres de chez soi ne sera plus guère possible.  Les contraintes nouvelles permettront de changer les comportements plus sûrement que les discours moralistes de quelques écologistes éclairés.

Mais sans politique volontaire qui permettrait de changer l'organisation sociale, de "redistribuer les cartes" du pacte social, la société risque de sombrer devant les coups du butoir du manque de pétrole. Tel un junkie non accompagné, sans méthode de substitution, la France pourrait ne pas se relever de ce choc.

Tout dépendra alors du médecin au chevet du malade. Si le président de la République est intelligent, sans idéologie, au service de la société toute entière, de l'intérêt général et non d'intérêts particuliers,  si il sait trouver les mots et les traitements qui accompagneront efficacement le malade, nous nous en sortirons. Si il sait s'entourer de gens compétents, au service de la société et non de leur (ré)élection, alors nous aurons quelques chances de nous en tirer.

Dans le cas contraire, attention à la catastrophe ! Décidément, l'élection de 2012 contient bien des enjeux ! Ceux qui iront à la pêche ce jour-là n'auront sans doute plus les moyens d'y aller dans les années qui suivront ! Et ils pourront se maudire d'avoir considérer que la politique ne servait à rien !

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